Critique : Comme les 5 doigts de la main

Thomas Messias | 24 avril 2010
Thomas Messias | 24 avril 2010

Alexandre Arcady n'a jamais été un grand cinéaste, mais s'acquitta néanmoins par le passé de quelques films relativement efficaces, sagas familiales ou polars nerveux. Il faut cependant remonter loin en arrière pour trouver son dernier film supportable du réalisateur, qui dans les années 2000 s'est essayé à la comédie - Tu peux garder un secret ? et Mariage mixte -, au film d'action - Entre chiens et loups - ou au drame sur l'Algérie - Là-bas, mon pays. Et malgré son casting foisonnant et impressionnant, Comme les 5 doigts de la main ne viendra pas relancer la machine Arcady, qui a du plomb dans l'aile dès le démarrage et ne parviendra jamais à se relancer correctement. Lorgnant sur le cinéma d'un James Gray et s'inspirant également de sa propre situation familiale - le film est dédié à ses quatre frères -, le réalisateur tente un mélange osé entre chronique familiale et film noir, avec à la clé une histoire de vengeance prenant sa source trente ans plus tôt.


La première différence entre Gray et Arcady réside dans la qualité de mise en scène. Chez l'un, elle est là pour magnifier le propos, offrir à l'action une dimension baroque, créer l'émotion à partir d'une lumière bien choisie ou d'une averse délicatement filmée. Chez l'autre, elle ne fait que rompre le contact du spectateur avec le film, les plans incompatibles s'enchaînant de façon incohérente au gré d'un montage d'une mollesse absolue. Dès le départ, il est impossible d'entrer dans le film, de croire à ces cinq frères et à leur histoire, parce que jamais Arcady ne nous en donne les moyens. La direction d'acteurs ne vaut pas mieux : tous, de Caravaca à Elbé, semblent un peu à côté, portés par un manque de conviction ou une envie de se contenter de personnages en forme d'archétypes - le pharmacien très croyant, le prof militant, le restaurateur casse-bonbons... Aucun ne tire son épingle du jeu car il n'y a pas grand chose à défendre. La construction du film, qui met d'abord en parallèle la vie "normale" de quatre des frangins et le tumulte de l'existence du personnage de Vincent Elbaz, souffre d'un tel déséquilibre dans le style et dans l'esprit qu'il est bien difficile d'y voir un seul et même film. Problèmes de cohérence de mise en scène, d'écriture, de justesse de ton... Passer en un instant de la comédie juive - les funérailles du début sont inénarrables - au polar noir nécessite un talent d'équilibriste dont Alexandre Arcady ne dispose clairement pas.


On a de la peine pour cette bande d'acteurs qu'on aime - presque - tous bien et pour ces seconds rôles extrêmement bien choisis, de François Fabian à Moussa Maaskri, mais Comme les 5 doigts de la main est un ratage, aussi pataud et cliché que son titre. Arcady s'échine en effet à nous montrer que point la famille c'est sacré et à quel point les liens du sang sont plus forts que tout. Voir chacun des frères saisir une arme et partir venger la famille dans un ultime sursaut d'orgueil a quelque chose de profondément risible, notamment lorsque Patrick Bruel, mâchoire serrée, s'empare d'un fusil longue visée pour nous la jouer sniper. Oh, bien sûr, le scénario aura eu l'idée judicieuse de nous prévenir un peu plus tôt de son expérience de tireur d'élite à l'armée, mais là encore les gros sabots sont de mise. La partie action du film ne vaut pas mieux que le reste, et il est impossible de ne pas avoir envie de se moquer de la façon dont Alexandre Arcady filme tout ça. À Noël prochain, offrons-lui un Petit James Gray illustré, ça pourrait lui servir s'il lui prend l'envie de recommencer.

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