Critique : Nuits d'ivresse printanière

Thomas Messias | 19 avril 2010
Thomas Messias | 19 avril 2010

On comprend ce qui a pu pousser le jury d'Isabelle Huppert à décerner, lors du dernier festival de Cannes, le prix du scénario au film de Lou Ye. Nuits d'ivresse printanière se distingue en effet par sa troublante façon de superposer les triangles amoureux et d'aller au-delà du simple clivage hétéro/gay. Tout part en effet d'une femme engageant un détective privé pour surveiller son mari, qui vit en fait une passion avec un autre homme. S'opère ensuite un lent glissement qui permet au film de se focaliser sur l'amant, le détective et la petite amie de ce dernier. Lou Ye sème le trouble chez les personnages et le spectateur dans sa façon de dépeindre les personnages, de les faire s'entrecroiser avant même qu'on ait réellement pu les identifier, et nous embarque au final dans un film aussi épuré que complexe.


Le problème est que cette ambition narrative s'accompagne d'un mal bien chinois, à savoir une extrême froideur dans la description des ces passions enchevêtrées et douloureuses. Culture locale ou talent insuffisant ? Toujours est-il que le film déroule un dispositif trop rigoureux qui ne cesse de mettre de la distance avec et entre les personnages. Quand la frénésie amoureuse n'est que théorique, l'ennui prend le pas sur la passion et c'est extrêmement dommage. D'autant que Lou Ye enveloppe son film dans une atmosphère poétique extrêmement artificielle, avec l'ajout régulier de poèmes en idéogrammes venant s'ajouter à l'image. Autant de corps brûlants pour un résultat si pompeusement littéraire...


La mise en scène, peu conventionnelle mais assez inintéressante, n'arrange guère les affaires du cinéaste chinois. Il travaille en caméra portée, tourne autour de ses personnages, semble vivre avec eux, mais les mouvements de caméra apparaissent bien vite comme superficiels pour ne pas dire lourdingues. On en est réduit à débrancher son petit coeur de spectateur pour ne plus envisager les deux heures de Nuits d'ivresse printanière que comme une vision intellectualisante de l'amour passion, bien loin du tourbillon promis par le titre - qui en fait est celui de l'ouvrage poétique cité à maintes reprises dans le film. Après Memory of love en 2008, on ne peut pas dire que les films sélectionnés à Cannes depuis 2 ans soient les plus représentatifs de la vraie valeur du cinéma chinois...

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