Critique : Arropiero le vagabond de la mort

Thomas Messias | 25 mars 2010
Thomas Messias | 25 mars 2010

Avec sa petite moustache et son regard sombre, Manuel Delgado Villegas ressemble à un citoyen lambda. Sauf que celui qu'on surnomma Arropiero - en référence au nom des sucreries fabriquées par son père - n'est autre que le tueur en série le plus meurtrier d'Europe, et sans doute l'un des plus effrayants du monde. Ce vagabond de la mort, qui a longtemps subsisté en vendant son sang, a confessé une cinquantaine de meurtres même s'il n'a finalement été reconnu coupable que de sept d'entre eux. De l'avis des spécialistes, Villegas pourrait même avoir été beaucoup plus prolifique que cela... Seulement voilà : cette bête sanguinaire et totalement marginale n'a jamais eu vraiment toute sa tête, bien loin de l'image légendaire du serial killer joueur, calculateur et manipulateur. Ce type-là est un animal, un vrai, tellement barré qu'il a passé sa vie à zigzaguer d'un asile à l'autre au lieu de croupir en prison. C'est donc fort logiquement que le réalisateur Carles Balagué, également auteur de fictions, s'est jeté sur ce personnage pouvant créer une sorte de fascination morbide. Interrogeant des spécialistes, fouillant dans les archives, il tente de reconstituer le portrait de de terrible tueur décédé en 1998.


Les fans de Christophe Hondelatte et de films policier ne pouvaient que se frotter les mains ; ils déchanteront rapidement devant ce qui n'est au final qu'un vague bout à bout d'entretiens sans énergie, menés face caméra et se réduisant souvent à une simple énumération de faits. En quatre-vingts minutes, Arropiero, le vagabond de la mort ne propose pas grand chose de plus qu'une sorte de gigantesque frise chronologique sur laquelle s'égrènent les crimes sordides à intervalles réguliers. Pas de mise en scène, aucun élan narratif : seule l'envie de racoler le spectateur semble réellement faire avancer Balagué, si bien que l'ennui prime rapidement sur la curiosité.


Il y avait pourtant tant de facettes fascinantes chez cet Arropiero de malheur. À commencer par ce patrimoine génétique si particulier et sans doute vecteur d'une agressivité débordante : il possède trois chromosomes sexuels, pour un détonant cocktail XYY, rarissime alliage qui a déjà donné naissance à plusieurs bêtes assoiffées de violence. On ne s'y arrête malheureusement que de façon très fugace, tout comme on passe en quelques minutes sur les hésitations critiques du système judiciaire espagnol, qui aurait pu éviter un certain nombre des meurtres perpétrés par l'individu mais l'a laissé filer à plusieurs reprises à cause d'erreurs administratives. En revanche, et c'est l'aspect le moins mal traité du film, Balagué s'attarde sur la pathétique fin de vie de son sujet, décédé à 55 ans après avoir subi les effets d'un vieillissement précoce et accéléré qui l'a transformé en loque humaine à un âge pourtant raisonnable. Peine perdue : ce grand personnage de cinéma s'est déjà échappé du film depuis bien longtemps, prouvant si besoin est que l'on ne s'improvise pas réalisateur de documentaires...

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