Critique : L'Arbre et la forêt

Thomas Messias | 2 mars 2010
Thomas Messias | 2 mars 2010

Même si la forme et le ton ont beaucoup varié, Jacques Martineau et Olivier Ducastel ont bâti une oeuvre cohérente - à défaut d'être homogène - sur le libre arbitre sexuel et amoureux. L'arbre et la forêt est parfaitement ancré au sein de cette filmographie, revenant sur le sujet par le biais d'une chronique familiale en huis clos. C'est en fait un deuil qui va servir indirectement de déclencheur au besoin de Frédérick, septuagénaire amateur d'arbres et de Wagner, de révéler aux siens un secret caché depuis plus d'un demi-siècle. Une sorte de coup de tonnerre qui s'abat sur la cellule familiale et vient notamment remettre en cause l'image de ce chef de famille taciturne et solitaire considéré comme un salaud pour ne pas s'être rendu aux obsèques de son fils aîné. De quoi contraindre aussi chacun à reconsidérer son rapport aux autres membres du cercle - notamment le degré d'attachement et de confiance.


Si L'arbre et la forêt touche autant au coeur et aux tripes, ce n'est finalement pas tant par le secret qu'il met à jour - celui-ci étant révélé assez vite - que par les réactions que cela suscite. Le film montre avec une finesse absolue les différentes façons de se comporter en apprenant que ce modèle paternel n'avait pas tout dit. Les personnages évoluent presque tous à pas feutrés entre l'impression d'avoir été trahis et l'envie de comprendre toutes ces années de silence. Il en résulte un film toujours sur le fil du rasoir, qui laisse la part belle à la parole pour mieux ensuite nous assourdir par le mutisme dans lequel il s'enferme en compagnie de ce Frédérick si délicatement incarné par un Guy Marchand à son meilleur. Le voir écouter du Wagner à pleins tubes, bien calé dans son fauteuil, est une image récurrente qui semble en dire plus long que bien des monologues.


La sobriété de l'acteur s'accorde à merveille avec celle de la mise en scène, d'une discrétion finie. La fixité du cadre accroît l'impression d'oppression suscitée par le thème et le choix du huis clos. Le film s'autorise à peine quelques virées extérieures, le temps pour Frédérick ou ses proches d'aller sonder un peu cette forêt faisant office de compagnon toujours à l'écoute, gigantesque défouloir qui accueille mais ne juge pas. Tout se terminera autour d'un arbre massif, symbole de la pérennité d'une famille prête à avancer et à sortir plus forte de chaque épreuve qui se présente. On en sort groggy, renversé par les prestations de certains acteurs - notamment François Negret, génialement insupportable, et la doucement hilarante Catherine Mouchet - et par la pudeur infinie de ce drame digne jusque dans ses excès.

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