Critique : C'est parti

Thomas Messias | 4 février 2010
Thomas Messias | 4 février 2010

Tout commence par un long regard sur le passé, riche en enseignements mais qu'il faut en partie laisser derrière soi. Le doc de Camille de Casabianca montre quelques membres actifs de feu la LCR (Olivier, Alain et les autres) tenter de faire du tri dans l'hallucinante quantité de dossiers poussiéreux qui encombre les armoires, plombe les étagères, empêche les ouvriers de rénover les locaux du parti et les leaders actuels de se tourner vers l'avenir. Si elle a taraudé tous ceux qui un jour ont rangé leur chambre, la question « jette / jette pas » prend ici un sens autrement plus symbolique, mais toujours rigolard. C'est cela, C'est parti : montrer un mouvement politique pris entre deux feux, désireux de ne pas trahir les manifestes d'antan tout en se donnant plus de liberté et de modernité. En bas de l'immeuble, une immense benne attend patiemment d'avaler à jamais tout un tas de documents jaunis, machine à broyer les fantômes du passé.


Peut-on véritablement parler de documentaire politique ? Casabianca ne semble pas réellement s'intéresser à l'idéologie, mais davantage aux hommes et aux chorégraphies politiques. Des tables rondes interminables. Des brainstormings voués à l'échec. Les questions des journalistes qu'on prépare non sans malice. Du calcul à tous les étages. Ce qui n'empêche pas la sincérité. La façon dont le monde politique nage dans une totale dichotomie a quelque chose de fascinant et inquiétant à la fois. Les gens que montre le film sont animés par des convictions fortes qu'ils ne veulent pas modifier d'un iota, mais se révèlent finalement incapables de trouver des solutions concrètes. Le message idéologique est là, et c'est à peu près tout. En prenant son temps, sans commentaire superflu (pas de voix off), C'est parti décrit une activité politique consistant surtout à brasser de l'air. S'en rendent-ils compte ou non ? Le film ne répond pas vraiment, sauf peut-être à travers ce jeune militant passionné et un peu agaçant, mais qui exprime clairement son ras-le-bol de participer à des tables rondes stériles aboutissant à la rédaction d'un communiqué qui finira, comme les autres, au fin fond d'un dossier.


Et puis il y a le rôle du leader. S'il n'en fallait qu'un, ce serait Besancenot. L'air de rien, par petites touches, Camille de Casabianca montre que la position occupée par le facteur neuilléen est loin d'être confortable. Quand il voudrait partager la direction du parti, n'être qu'un élément parmi d'autres, ses partenaires souhaitent apparemment en faire un représentant absolu, une mascotte présente et active lors de chaque évènement, aussi minime soit-il. Qu'est-ce qu'un meneur politique ? Est-il là pour montrer sa trombine et faire plaisir aux militants, ou pour prendre les décisions de fond susceptibles de changer les choses ? Olivier semble avoir son idée, mais les vieux briscards du parti aimeraient en faire leur instrument médiatique. Et ça coince. De toute façon, rien n'est facile : même trouver le nom d'un nouveau mouvement est un chemin de croix. Délicieuse scène dans laquelle un groupe de travail planche sur cette appellation et prend tout un tas de décisions sur ce qu'il devra signifier et éviter. Évidemment, le choix du "NPA" ira à l'encontre de la plupart de ces principes de base.


C'est parti est donc un documentaire éminemment sympathique, une oeuvre rigolarde et édifiante. Un reportage d'"Envoyé spécial" version longue. Mais malheureusement pas un film politique, ni même une vraie oeuvre de cinéma. On ne sent pas ici le regard d'un cinéaste, un point de vue offrant une vision différente ou amenant à mener des réflexions infinies. Casabianca se place à hauteur d'hommes, avec ce que cela implique de compassion malvenue et de sympathie mal contenue. Lorsqu'on se rappelle que la réalisatrice est la fille d'Alain Cavalier, on se prend à rêver du grand film que ce grand monsieur aurait pu tirer d'un tel sujet. On regrette aussi qu'elle n'ait pas choisi d'intégrer son journal personnel, à la manière de son père, dans lequel elle livre ses réflexions quotidiennes sur le tournage. Figurant dans le dossier de presse, celui-ci aurait permis à C'est parti de se muer en réflexion sur le rôle du documentaire et la position du cinéaste. Mais ce n'était pas là l'objectif de Camille de Casabianca...

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