Critique : Le Dernier pour la route
Souvent, évoquer le classicisme d'un film est souvent une critique destinée à dénoncer un manque d'originalité dans le style ou dans le ton. Et puis parfois, il arrive qu'un film soit classique et que ce soit très bien comme ça. Oeuvre pas impérissable mais d'une facture extrêmement satisfaisante, Le dernier pour la route appartient à cette catégorie, son absence de partis pris marqués et d'idées fantaisistes semblant lui apporter une certaine force. Il est tellement difficile d'aborder l'alcoolisme sans tomber dans le pathos ou le sordide que Philippe Godeau - producteur de renom et réalisateur débutant - a eu mille fois raison de faire dans la sobriété la plus totale.
La sobriété, c'est justement l'un des thèmes principaux de ce Dernier pour la route
qui n'est ni plus ni moins que l'histoire de la thérapie d'un homme
tentant de se sortir des griffes de l'alcool. Inspiré du récit du
patron de presse Hervé Chabalier, le film se cantonne à une période
bien précise de sa vie, à savoir son entrée en cure et les cinq
semaines de soins qui suivent. Avec une huitaine de compagnons
souffrant du même mal que lui - « la seule maladie dont personne n'est jamais tout à fait guéri
», reprécise le film -, il tente de surmonter des obstacles plus
mentaux que physiques et de faire le point sur sa vie passée, ses
envies, ses attentes, le points forts qui vont l'aider à s'en sortir.
Le menu est assez prévisible, mais le traitement est d'une telle pudeur
qu'on fait très vite corps avec cet anti-héros aussi pathétique que
poignant. Il doit énormément à un François Cluzet toujours aussi
habité. Avant lui, Dany Boon et Christian Clavier avaient accepté le
rôle puis s'étaient désistés ; quoi qu'on pense du ch'ti et de
Jacquouille, nul doute que le film a gagné au change.
D'un film
pareil, on peut affirmer - comme on aurait pu le faire avant même de
l'avoir vu - que c'est une belle leçon de courage, un plaidoyer pour la
vie, un témoignage adressé à ceux qui aiment trop la bouteille et
souhaiteraient pouvoir s'en décrocher. Des formules un peu surfaites
mais qui collent pleinement du Dernier pour la route.
Celui-ci évite cependant l'optimisme béat et l'apologie simpliste des
bienfaits de la thérapie : il semble évident, bien avant un épilogue en
forme de bilan collectif, que ces cinq semaines n'auront pas eu le même
effet sur tout le monde. Et c'est peut-être dans cette fin que le film
prend le plus de risques, affirmant avec témérité que l'égoïsme est
parfois inévitable pour qui souhaite se sortir de la tourmente, quitte
à laisser les autres boire la tasse. Difficile de dire si un cinéaste
est né, mais Philippe Godeau a en tout cas su faire preuve de la
retenue nécessaire pour ne pas se planter dès son premier long.
Lecteurs
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