Critique : Rebelle adolescence
Voilà encore une jolie sortie technique, exhumation d'un film tourné il y a des plombes et distribué au début de l'été pour respecter quelques obscurs quotas. Datant de 2005, Rebelle adolescence - nouveau candidat pour le titre français le plus pourri de l'année - ne doit en fait sa sortie qu'à la notoriété montante de son héroïne Ellen Page, qui se fit connaître depuis en castrant du pédophile dans Hard candy et en buvant du Sunny delight dans Juno - enfin, pas tout à fait du Sunny Delight, mais il y a quelques spécialistes parmi mes lecteurs qui pourront peut-être apporter quelques précisions fort utiles sur les jus de fruits acidulés. Alors âgée d'à peine 18 ans, miss Page incarne ici une adolescente marginale qui fuit le cocon familial et finit par rejoindre Spark, une sorte de groupuscule fait par des jeunes pour des jeunes afin de se trouver une raison d'être et d'échapper à une société qu'ils ne comprennent pas. Pour être acceptés par le groupe, nos ados doivent suivre quelques règles assez troubles, et respecter à la lettre le contrat qu'ils se sont fixés. Tout ça pour découvrir au final que Spark, derrière son apparence de jolie colonie de vacances, cache des torrents de haine et de violence.
À vrai dire, on ne saisit jamais vraiment les
intentions d'un scénario qui parle d'embrigadement mais ne sait
visiblement pas comment ni pourquoi. Spark pourrait être une secte,
mais ça n'est pas vraiment ça ; son chef pourrait alimenter de noirs
desseins et utiliser ces jeunes paumés dans un but précis, sauf que pas
vraiment ; on navigue à vue tout le long du film sans comprendre ce que
veut dire Alison Murray, et c'est fort dommage. Car la réalisatrice
fait preuve d'une vraie inventivité lorsqu'il s'agit de compenser un
criant manque de budget par tout ce qui peut ressembler de près ou de
loin à du système D. On sent même que c'est lorsque les moyens se font
les plus limités que le film parvient à toucher une sorte de grâce,
terriblement éphémère mais à l'émotion non feinte. Dans le no man's
land perpétuel qui sert de décor aux atermoiements des personnages,
Murray compose de temps à autres des plans d'une beauté fulgurante et
marqués du sceau du talent. Il est d'ailleurs étonnant qu'elle soit
pour ainsi dire portée disparue depuis 2005 : son style fait d'urgence
et de sensations instantanées a quelque chose de fascinant.
Dommage
que ces quelques belles promesses soient donc diluées dans un fond
d'une vacuité mortelle. Très vite on comprend que la dramaturgie de Rebelle adolescence
passera par quelques drames bien glauques et prétendûment surprenants,
comme si un tel sujet ne supportait pas la finesse. Plus encore qu'un
film comme La vague,
qui exploitait récemment les débordements dus à l'obession du tout
collectif, le film d'Alison Murray a tout d'une dissertation plutôt
médiocre, où l'auteur brûle les étapes et enquille les étapes de son
raisonnement sans même avoir pris le temps de poser sa problématique.
Reste une Ellen page étonnante, cassant en mille morceaux sa future
image d'icône in pour
teenagers déjà bobos. Une scène aussi simple que celle où elle se fait
raser le crâne - ou une partie du crâne - est à la fois impitoyable et
sensible, ce que le film peine malheureusement à être sur la durée.
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