Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? : Critique

Freaks, mensonge et cinéma. Ce pourrait être un résumé succinct de Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? car c'est de ça dont il est question. Une histoire de monstres humains au visage décrépi qu'on pourrait qualifier d'expressionnistes dans le cas de Bette Davis puisque son maquillage outrancier et macabre, plus blanc que la mort, n'est que le reflet de sentiments intérieurs qu'elle tente de projeter sur le monde dans une folie furieuse et misérable. Idem pour l'autre ours pianiste alcoolique ravagé par une mère informe et possessive. A côté de cette foire odieuse, qui fait figure de réalité, une Joan Crawford paralysée semble étrange ou étrangement humaine, comme si elle était l'anormale. 

Et c'est dans ce paradoxe terrifiant et monstrueux que nous entraine Aldrich qui met en scène les deux grandes actrices vieillissantes et dont la fin de carrière était programmée depuis longtemps de la plus belle des manières. Elles ne sont plus que les fantômes d'elles-mêmes, retirées dans une banlieue banale aux côtés d'individus lambdas. Elles se rêvent stars, ce qu'elles furent, chacune à leur tour, mais n'ont plus pour elles que leur souvenirs. Des étoiles à la réalité, il n'y a qu'un pas et le retour sur terre est impossible. 

En même temps, ces jeux dangereux de non-dits, de révélations tardives, de mensonges, ne sont qu'un miroir à la Dorian Gray, le véritable reflet d'un Hollywood à la façade trop lisse pour qu'on ait pu totalement y croire toutes ses années. L'Hollywood du classicisme a commencé à s'écrouler à la fin des années 50 et Aldrich, comme d'autres le feront en même temps et après lui, contemple et rend compte ici de cette dégringolade. Il fait surgir son refoulé et apparaitre au grand jour sa face cachée. Finalement, tout ne fût que simulacre..