Critique : Tulpan

Thomas Messias | 6 mars 2009
Thomas Messias | 6 mars 2009

Récompensé à Cannes 2008 par le jury Un certain regard, Tulpan fait immanquablement penser à Urga, chef d'oeuvre de Nikita Mikhalkov, dans une version moins bercée d'illusions, sans doute un peu plus cruelle. Sergei Dvortsevoy fait du beau, du très beau cinéma, restituant à merveille les ambiances et les sensations. On est avec les personnages dans cette steppe kazakhe ; on les aide à s'occuper de leur élevage ; on vit et on vibre au son des chants puissamment interprétés par les femmes de la famille. Le cinéaste crée une telle communion avec ces quelques êtres et leur mode de vie qu'on en vient à croire que ce cinéma est aussi olfactif et tactile. Une belle brassée d'air pur et d'horizons lointains : Tulpan est une invitation au voyage qu'il est juste impossible de refuser.


Mais le film n'est pas juste une jolie carte postale : c'est une oeuvre souvent âpre car sans grand espoir, montrant que ces familles finiront vraisemblablement par s'éteindre d'ici quelques générations. Il n'y a qu'à voir la situation de l'anti-héros, Asa : revenu du service militaire, il souhaite se marier, mais la seule jeune femme disponible (qui donne son nom au film) se refuse à lui, prétendument à cause de ses grandes oreilles. Pourtant bien jeune, Asa se sait donc condamné à un célibat qui risque d'accroître la disparition de sa lignée. Un constat terrible, que Dvortsevoy dédramatise de façon percutante en pratiquant un humour toujours tendre, qui frappe juste (Asa comparant ses oreilles avec une photo du prince Charles).


Pratiquant le plan-séquence avec une grande fluidité de mouvement, le film insiste avec une immense pudeur sur l'importance du lien humain-animal, et le désespoir du chef de famille face à la perte de quelques agneaux fraîchement nés est communicatif. Sans misérabilisme, Tulpan décrit le caractère rudimentaire de ces existences, et du même coup l'importance incroyable que prend chaque objet ou chaque geste. Une radio, une chanson ou une tortue (jolie façon de jouer aux petites voitures), et c'est un monde nouveau qui s'offre à ces enfants d'une beauté simplement prodigieuse. Un grand film simple et beau, qui nous remet, occidentaux futiles, à notre place, sans pour autant donner des leçons.

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