Critique : Z32
Attention : ceci n'est pas un doc de plus. C'est une fascinante réflexion sur la création, l'oeuvre documentaire et la mise en scène de la réalité. Z32 naît à la base de l'envie d'Avi Mograbi d'interroger un jeune israélien ayant participé à un crime de guerre. Mais le héros du film n'est pas le jeune homme : c'est le film lui-même, la façon dont il se fait, les questions qu'amènent les méthodes employées. Tout au long de Z32 (titre faisant référence au numéro du dossier du soldat), Mograbi n'a de cesse d'intervenir pour commenter les circonstances du tournage, ses intentions, ses doutes, les remarques de sa femme. Drôle de procédé ? Oui. Surtout si l'on ajoute que le réalisateur se filme régulièrement en train de chanter ses réflexions dans son salon, accompagné d'un orchestre.
Ce projet pouvant sembler aberrant sur le papier accouche
pourtant d'une merveille de cohérence, une étude éthique de la
condition de cinéaste documentaire. Quelles limites se fixer ? Laisser
faire les choses et les gens, ou mettre en scène ? La fantaisie du
réalisateur ne l'empêche pas de répondre à ces questions en profondeur,
le sujet de base s'y prêtant parfaitement. Ne voulant pas risquer
d'être reconnus, le jeune homme et sa fiancée sont d'abord floutés,
puis dissimulés derrière des masques en 3D, ajoutés après le tournage.
Procédé singulier pour assurer l'anonymat des sujets sans mettre au
rebut toute ambition esthétique. Et bizarrerie supplémentaire à mettre
au crédit du film : lorsque les personnages portent la main à leur
visage, celle-ci passe étrangement "sous" celui-ci de par une
imperfection technique dont on peut imaginer qu'elle est volontaire.
La
petite limite de l'ensemble, c'est que le procédé est si fascinant
qu'on en vient à se désintéresser du sujet premier du film. Celui-ci
offre pourtant de belles interrogations, notamment dans les scènes
mettant face-à-face le soldat et sa fiancée, celle-ci offrant un
contrepoint moral déroutant pour celui qui avoue avoir pris plaisir à
tuer. Malgré les masques, leurs regards ne trompent pas : ces deux-là
s'aiment, mais peinent à retrouver leur harmonie d'antan, les
évènements ayant creusé un fossé entre eux. Quand ils estiment en avoir
assez fait pour Mograbi, ils décident d'éteindre la caméra, se faisant
à la fois acteurs et moteurs d'un objet passionnant du début à la fin.
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