Critique : Johnny s'en va-t-en guerre

Nicolas Thys | 12 novembre 2008
Nicolas Thys | 12 novembre 2008

Un unique film, un chef d'œuvre, un peu à la manière de La Nuit du chasseur mais Charles Laughton était acteur et Dalton Trumbo scénariste. Réalisé en 1971, Johnny s'en va-t-en guerre est d'abord un roman de Trumbo, publié en 1939, deux jours après le début de la seconde guerre mondiale. Ultra pessimiste et antimilitariste, le film reste ce qui s'est fait de mieux dans la critique de l'absurdité et des horreurs de la guerre sans jamais la montrer directement.

 

Tout est vu depuis une salle d'hôpital grise, presque vide, où les restes de la carcasse humaine d'un soldat récupérée sur un champ de bataille au cours de la première guerre mondiale servent de laboratoire expérimental. Infirmiers et chirurgiens considère mort ce militaire anonyme. Même si son corps répond encore il a perdu ses quatre membres, la parole ainsi que la plupart de ses cinq sens. Néanmoins il parvient encore à penser et se remémore sa vie.

 

L'horreur du film est renforcée par cette dualité entre une mise en scène frontale et un hors champ perpétuel. On ne le voit pas, nous ne voyons qu'une surface recouverte de bandes. On ne l'entend pas parler, nous n'entendons qu'une voix off. Et c'est à travers ce qu'on imagine et ce qu'on n'ose pas nous montrer et qui est au-delà de l'imaginable que se réalise toute la monstruosité et la barbarie de la guerre.

 

Nous sommes à sa place, un temps indéfini qui passe inexorablement avec l'impossibilité d'en finir et l'obligation de rester et de subir ce que son entourage médical, plus sourd et aveugle encore que lui, lui inflige encore et toujours. Il ne veut qu'une chose : mourir dignement, ce qui lui est refusé, le tout dans une atmosphère noire et nocturne : le cauchemar est dans le monde réel. Seuls ses souvenirs sont en couleurs, souvenirs indistincts qui deviennent une expérience quasi mystique où il aperçoit même Jésus Christ, Donald Sutherland à peine grimé dans un rôle qui lui sied parfaitement.

 

Sorti aux Etats-Unis en plein milieu de la guerre du Vietnam par un cinéaste qui a figuré parmi la liste des 10 d'Hollywood, personnalités accusées de communisme, ce chef d'œuvre a eu une résonnance importante et amplement méritée de part le monde.

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