Critique : Opéra Jawa

Adaptation au cinéma d’une légende traditionnelle indonésienne, le Râmâyana, Opéra Jawa mélange comédie musicale, film social et world cinema avec plus ou moins d’habileté. L’histoire est celle d’une femme éprise de deux hommes : le premier est son compagnon depuis longtemps et est un brave artisan, le second est un charmeur riche et très polisson. Deux possibilités sentimentales donc, mais surtout deux aspects de l’Indonésie représentées par les visages de ces deux hommes. Ou le petit artisanat contre le monde moderne et ses multinationales émergentes. Disons-le clairement : l’histoire est basique et le réalisateur Garin Nugroho se révèle bien plus doué pour livrer des séquences d’une rare poésie que pour instaurer suspense et tension dans un drame sentimental qui se voudrait shakespearien.

On retiendra en effet la grande sensualité avec laquelle les corps sont filmés (l’amant tel un charmeur de serpents hypnotise sa cible de par ses mouvements délicats de mains ou de pieds), les chorégraphies parfois absurdes mais toujours gracieuses, le charme des costumes et des décors. D’une beauté formelle assez hypnotique, Opéra Jawa nous balade vers cette légende inconnue des occidentaux qui prête à méditer sur l’évolution du monde et aussi et surtout la croyance, le poids de la divinité.

Les différents plans très travaillés séduisent tellement que l’on serait tentés de se dire qu’on aurait préféré les avoir sans le son. En effet, deux longues heures de chants typiques indonésiens avec des voix qui montent la majorité du temps dans les aigus et des paroles d’une autre époque, ça fatigue. Le film ne se permettant que trop rarement des respirations, nous sommes pris dans une spirale musicale qui pourra certes séduire les amateurs de world music mais qui pourra aussi donner la migraine aux moins courageux.

Entre beauté et longueurs, poésie et maladresses scénaristiques : une curiosité cinématographique à réserver aux spectateurs en manque d’évasion.