Critique : Au bonheur des dames

Nicolas Thys | 21 mars 2008
Nicolas Thys | 21 mars 2008

Au Bonheur des dames de Julien Duvivier, réalisé en 1930, débute sur séquence qui oscille résolument entre futurisme et constructiviste. L'arrivée de la jeune orpheline dans Paris, ville moderne en perpétuel essor, est marquée par la grandeur de ses constructions et une certaine magnificence des constructions métalliques le tout poussé par un inéluctable mouvement vers l'avant. Les gens sont figurés par leurs pieds, méconnaissables et abstraient dans une foule immense qui les condamne à n'être plus qu'un mouvement rectiligne, une force physique entrainée par une masse où l'individu n'a plus sa place. Le ton est donné : le progrès, malgré sa splendeur apparente ôte aux gens toute humanité et tend à les rendre semblable, à les uniformiser et tel sera le but du grand magasin au cœur du film.

 

D'ailleurs tout ira dans cette direction, opposant sans cesse le vétuste au neuf : le Vieil Elbeuf, petite boutique délabrée qui porte bien son nom, aux façades lumineuses du grand magasin, l'âge avancé du patron de la boutique à la jeunesse du directeur du monstre urbain, voire dépravation et tentation de la nouveauté face à la simplicité des ainés qui ne demandent qu'à travailler et vivre dignement. Le mal est fait et conduira fatalement au coup de folie final. C'est la fin d'une époque dont on tente d'effacer jusqu'au moindre souvenir car, et c'est là la morale assez discutable assénée brutalement à la dernière minute après une heure trente à tenter de montrer le contraire, il est inutile de résister au mouvement général sinon à être emporté : le progrès gagnera d'une manière ou d'une autre et il faut l'accepter.

 

Le cinéaste n'a d'ailleurs pas cherché à situer l'ouvrage de Zola, publié en 1883, dans son contexte originel mais l'ancre au contraire à l'époque où il tourne le film. L'histoire d'amour, assez fade malgré quelques séquences ingénieuses, ne devient alors qu'un prétexte pour montrer les mutations urbaines et sociales engendrées par l'édification d'un nouveau type de bâtiment commercial. Les mouvements de foule, l'intérieur des galeries Lafayette côté client ou employé, l'entreprise de démolition et de reconstruction rappelle à la fois la grandeur de l'entreprise Haussmannienne du 19eme siècle et la mutation du nouveau Paris des années folles dont Duvivier se fait le témoin critique.

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