Critique : Place aux jeunes

Nicolas Thys | 22 janvier 2008
Nicolas Thys | 22 janvier 2008

Malgré un titre français quasi exclamatif, Place aux jeunes, qui laisserait penser à une comédie, et la présence derrière la caméra de Leo McCarey, immense cinéaste burlesque qui dirigea les plus grands de Charley Chase à Laurel et Hardy en passant par les frères Marx et W.C. Fields, le film est un mélodrame mélancolique d'une immense beauté mais d'une cruauté indéniable d'où peut-être son insuccès lors de sa sortie alors qu'il est resté le préféré de son réalisateur.

 

La thématique de départ est déjà aventureuse pour l'époque. Dans un univers cinématographique où les rides ne s'estompent qu'avec le maquillage ou la mise au ban de l'industrie des acteurs, et où les personnes âgées sont souvent reléguées au second plan, venant simplement ajouter un peu de sagesse ou de loufoquerie aux situations de départ, centrer un film sur deux vieillards ruinés dont, de surcroit, les enfants ne cherchent jamais à nier qu'ils les encombrent, reste assez audacieux.

 

Et si McCarey ne fait pas dans la dentelle - sans fioriture, le film démarre au quart de tour et ne s'arrêtera plus - il met en œuvre toute sa maîtrise technique et narrative au profit d'une exacerbation des sentiments parfaitement réussie. Il ne rejette jamais totalement la faute sur les uns ou les autres, les vieillards n'étant pas exempts de tout reproche. Mais cette neutralité n'est qu'apparente, elle se fissure peu à peu. La séquence où la femme âgée appelle son mari au téléphone au cours d'une partie de cartes organisée par sa belle-mère est exemplaire. Servie par une mise en scène délicate où dans un silence de mort, tous les regards alentour convergent vers elle et vers nous, elle dérange et émeut.

 

La perte des repères se fait plus persistante et cette prétendue neutralité originelle se brise dans un final éblouissant où, retrouvant l'illusion de leur jeunesse et des prémisses de leur union pour un instant, replongeant corps et âme dans un temps pourtant disparu qu'ils ne parviendront jamais à reconstruire, ils se quittent, rattrapés par un présent sépulcral, dans ce qui est, pour eux, pire encore que la mort. 

Résumé

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