Critique : Hénaut président

Julien Foussereau | 28 mai 2007
Julien Foussereau | 28 mai 2007

Plus fort que Gérard Schivardi, son Pastis et son score aux ras des pâquerettes le 22 avril dernier, Pierre Hénaut, l'homme qui valait 0% ! Les dévédéphiles acariâtres (et revendiqués) que nous sommes auront voté sans l'once d'une hésitation pour la mini-série féroce et impitoyable de Michel Muller, le plus hilarant concept d'humour à la française depuis des lustres. Ne pas avoir peur de chanter les louanges de ces incroyables pastilles vitriolées qui ont égayé les access prime time des spectateurs de Paris Première. Enfilant le costume volumineux de Pierre Hénaut (un genre de patchwork politique entre Bayrou, Delors et Chevènement), Michel Muller met au service de cette fiction l'humour particulièrement grinçant qu'on lui connaît. Debarassé du côté gore / trash gratuit qui a fait les beaux jours de Fallait pas l'inviter, Muller révèle dans Hénaut Président une plume cyniquement jubilatoire basée sur une détestation profonde de ce que l'on a appelé au cours de cette présidentielle « les faiseurs de rois ».

 

« L'Homme est pourri jusqu'à la racine et faible devant l'attrait du pouvoir » semble-nous dire Muller. Même s'il s'arroge le rôle le moins haïssable, celui du gentil maire intègre de province, la naïveté et l'idéal du bonhomme vont prendre rapidement du plomb dans l'aile au contact de ses conseillers en communication, mauvais génies et véritables moteurs comiques de la série. Parmi eux, Fred, le spécialiste look et fumisterie à la mèche ridiculement folle et Thierry, ersatz de Séguéla à peine plus hargneux et immoral que l'original, se taillent la part du lion. Un peu interloqué au départ par le fonctionnement de chaque pastille, le rire devient dévastateur sans que jamais le tranchant de l'écriture ne s'émousse sur les 70 épisodes de cette brillante série grâce à cette capacité rare à jongler avec différents registres : la satire collée à actualité (Le Stylo de Sarko), le fantastique (profaner la tombe de Mendès-France pour casser la gueule à son fantôme), le politiquement incorrect (déguster des huîtres Marennes d'Oléron devant le campement des enfants de Don Quichotte et des grévistes de la faim) ou le surréalisme pur (le lobby de la D.A.R.E., le Droit Au Rasage Extravagant)...

 

Clairement, Hénaut Président est le format court humoristique que l'on attendait plus par sa faculté à mélanger finesse d'esprit et brio des dialogues, pertinence de l'analyse et méchanceté sans concession. Bien qu'électoralement faible, Pierre Hénaut apparaîtrait presque plus efficace et moins démagogue que certains de ses concurrents, bien réels eux, ayant terminé à 1 ou 2%. Même si la page présidentielle est bel et bien refermée, continuons à voter Pierre Hénaut, ce sera toujours plus marrant que d'entendre Marie-Georges, Dominique et Philippe pleurnicher !

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