Critique : Jesus Camp

Lucile Bellan | 17 avril 2007
Lucile Bellan | 17 avril 2007

Un documentaire choc, violent visuellement et psychologiquement, quasi insoutenable parfois et qui oblige le spectateur à évacuer son stress et son indignation par des rires nerveux. Voilà la contre-programmation de la semaine. Sorti aux Etats-Unis en septembre 2006, puis nominé aux Oscars, on ne peut pas dire que le film n'ait pas fait parler de lui. Que ce soit par ceux qui le désavouent : Ted Haggard, leader de l'association nationale des évangéliques qui juge le film réducteur (pour l'anecdote, peu de temps après cette polémique, il dut laisser sa place car accusé de consommation de drogues et de prostitution homosexuelle) ; ou encore par les répercussions qu'il a eu sur la société (Becky Fischer, « personnage principal » et directrice du fameux camp a dû annuler son prochaine session à cause de dégradations et de menaces). Des réactions extrêmes pour un sujet qui l'est tout autant : la communauté évangélique américaine qui prend peu à peu le pouvoir sur les Etats-Unis (George Bush en est) et qui véhicule des idées comme celle du réchauffement de la planète qui ne serait pas important, que la théorie de l'évolution est une erreur et que c'est une bêtise que l'école soit laïque, tout ça en embrigadant leurs enfants dès le plus jeune âge.

Impossible de rester de marbre quand on les voit presque déshumanisés, et en tout cas « désenfantisés », convertir tous ceux qui leur semblent loin de Dieu et arborer fièrement des T-shirts criant leur foi : « Jesus Died for You », « Faith Factor » (en référence à Fear Factor), ou dans un autre registre tout aussi sympathique « My Dad is in the Army ». Il serait inutile, enfin, de faire la liste de ces petites ou grandes phrases et autres images dérangeantes. Il suffit juste de dire que les réalisatrices Rachel Grady et Heidi Ewing conduisent le spectateur de « surprises » en surprises », basculant petit à petit dans l'horreur jusqu'à l'apothéose : Lou Engle et son discours pro-life (anti-avortement) devant une salle comble d'enfants de 7 à 12 ans en larmes, avec poupées de fœtus à l'appui.

 

Et quand on voit Becky Fischer camper sur ses positions, en désaccord complet avec les notions de démocratie ou même de libre-arbitre, il devient évident que le but du documentaire n'est pas de mettre les évangéliques face à la réalité. Mais alors quel est le réel enjeu ? A quoi sert un film qui dénonce (presque malgré lui, puisque les réalisatrices affirment ne pas avoir de parti pris), si le spectateur n'a pas le pouvoir de faire quelque chose ? L'issue du combat des évangéliques parait inéluctable et à la fin du métrage, l'impuissance avec laquelle la caméra suit tous ces gens est aussi frustrante que triste. En effet, nous ne sommes et ne serons que des spectateurs.

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