Critique : Stalingrad

Thomas Messias | 30 mars 2007
Thomas Messias | 30 mars 2007

Pour donner à un peuple déprimé un nouvel élan d'espoir, il suffit de lui offrir un héros sur un plateau. À l'époque de la deuxième guerre mondiale, on ne trouvait pas encore les hommes providentiels au sein des équipes de football, mais plutôt dans le corps militaire. C'est ainsi qu'en septembre 1942, un jeune soldat de l'Armée Rouge devenu tireur d'élite est désigné comme le héros de toute une nation. Objectif : redynamiser des soldats soviétiques déprimés par la situation critique de leur pays.

S'inspirant de la véritable histoire de Vassili Zaitsev, Jean-Jacques Annaud a bâti un film romanesque et politique qui observe la guerre sous son jour le plus intime. À travers l'affrontement à distance de deux snipers (un russe face à un allemand), Stalingrad montre que les cicatrices dues à la guerre sont indélébiles et que les souvenirs personnels l'emportent souvent sur la grande Histoire. En ménageant de longues phases de calme entre chaque instant crucial, Annaud croque à merveille l'aspect insupportable de l'attente et la terrible orchestration de la propagande, qui peut regonfler un moral en berne mais causer bien plus de dégâts. Cette alternance assez régulière entre scènes de bravoure et moments de répits permet au metteur en scène d'insuffler une véritable tension qui va bien au-delà du simple suspense.

Le duel entre les deux tireurs d'élite est haletant, tant du point de vue tactique que pour sa dimension tragique. Une fois de plus, Jean-Jacques Annaud a soigné sa mise en scène : agile et rusé, il filme comme un tireur d'élite, embusquant sa caméra dans les recoins les plus obscurs pour espionner ses personnages sans perturber leur évolution. Soucieux de préserver avant tout le réalisme de son film, il laisse à son image un aspect très brut ; la poussière et le gris des décors valent tous les sépias du monde. Quant au casting, il est pour ainsi dire idéal. Avec des physiques plutôt proches (mais quelques décennies d'écart), Ed Harris et Jude Law incarnent parfaitement le décalage entre une Allemagne expérimentée mais essoufflée et une union soviétique en quête de jeunesse.

La faiblesse du film est sans doute l'histoire d'amour : le duo Jude Law – Rachel Weisz a beau fonctionner à merveille, la romance a tendance à tirer le film vers un aspect fleur bleue très mignon mais moyennement pertinent une fois replacé dans le contexte (voir par exemple la scène d'amour). C'est peu de chose en comparaison avec la force de Stalingrad, bloc de béton finement taillé qui allie divertissement de qualité et passionnant témoignage politique.

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