Critique : Versus, l'ultime guerrier

Jean-Noël Nicolau | 23 février 2007
Jean-Noël Nicolau | 23 février 2007

Pour supporter Versus, il faut mettre de côtés toutes les notions de bon et de mauvais goût cinématographique. Inutile de chercher ici un scénario, des acteurs ou de la mise en scène, tout est en roue libre, filant au petit bonheur sur les chemins balisés du cinéma bis. L'histoire se résume à une poignée de figurants se mettant sur la gueule pendant un peu plus de deux heures. Les acteurs redéfinissent à la fois le terme cabotinage mais aussi les limites de la non expressivité. Enfin, le réalisateur Ryuhei Kitamura fait n'importe quoi avec sa caméra, en comparaison Michael Bay et Jean-Marie Poiré sont des modèles de sobriété. Si on ajoute à cela l'aspect fauché de l'ensemble, l'étirement complaisant de la moindre scène d'action et une musique très datée, Versus a des allures de monstrueuse série Z de l'enfer.


Mais aussi assumés que soient les partis-pris de Kitamura, son film demeure étrangement hésitant. S'il revendique un humour potache et gore, façon Evil dead 2, Versus se perd aussi dans de longs tunnels explicatifs inintéressants, lesquels, ajoutés aux répétitives scènes de baston, entraînent l'œuvre au-delà des deux heures. La version « ultimate » ajoutant même 10 minutes de combats et de poses supplémentaires, le spectateur se retrouve endormi par ce qui devrait normalement être des sommets jouissifs.


Pourtant le plaisir pris devant Versus est réel et parfois exaltant. C'est bête et méchant, bourrin et stupide, un joyeux bordel qui n'a peur de rien et qui ose tout, que cela fonctionne ou non. Toute la sous-culture des années 2000 est ainsi passée en revue, des jeux vidéos aux mangas en passant par les séries TV façon Bioman. Dans ses meilleurs moments, le film de Kitamura ressemble à la seule adaptation réussie de Resident evil, et à d'autres instants on se croirait devant un terrible nanar italien des années 80 (la coda futuriste étant particulièrement gratinée à ce niveau). On pourrait alors taxer de manière facile et méprisante Versus de chef-d'œuvre pour geeks et autres nerds, tant tout est ici compilé pour les ravir. Ce serait franchement remettre en question les facultés critiques desdits nerds (même si elles sont parfois effectivement limitées lorsqu'il s'agit de démastiquer du zombie à coup de tatanes).


On peut donc reconnaître les qualités de Versus (imagination débordante, énergie enthousiasmante) mais aussi ses très regrettables travers (durée abusive, absence totale de maîtrise, abus de la pose qui insiste sur le fait que l'œuvre se rêve plus culte que le culte). On se demandera surtout pourquoi l'auteur a essayé de bouffer à ce point à tous les râteliers, imposant une ridicule tentative de scénario au milieu d'une collection de scènes gratuites et idéalement conçues comme telles. Plus ramassé vers le film d'action non-stop, Versus aurait sans doute était meilleur (et plus court !), en l'état on ne cesse d'être surpris par la faculté d'ennui dégagé par un ouvrage qui se voudrait le trip fun ultime.

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