Critique : Hanzo the Razor - Sword of justice

Patrick Antona | 9 mai 2006
Patrick Antona | 9 mai 2006

Le début des années 70 a été une période absolument mirifique au niveau de la création pour le cinéma japonais, et plus particulièrement en ce qui concerne le cinéma d'exploitation. Mis à mal par l'arrivée en force de la télévision dans les foyers, les grands studios se tournèrent alors vers le remède-miracle qui pouvait faire revenir, au moins les jeunes, vers les salles obscures : utiliser les « manga » à base de sexe et de violence, qui cartonnaient alors dans toutes les couches de la société, comme source d'inspiration des oeuvres à venir.


Un de ces auteurs, le « mangaka » Kazuo Koike vera en l'espace de deux années, entre 1972 et 1973, trois de ces créations adaptées et ce de la plus belle manière : Kozure Ôkami (Baby Cart), Shurayukihime (Lady Snowblood) et Goyokiba, cette dernière histoire s'appuyant sur les exploits très particuliers du détective Itami Hanzo surnommé The Razor. Situées sous l'ère Meiji, les enquêtes de cet officier de policier trucculent et très porté sur le sexe, voir le sado-masochisme, mais toutefois incorruptible, nous emmènent dans un monde de corruption et de violence où les puissants seigneurs bafouent les règles de la société pour assouvir leur soif d'argent ou de pouvoir. Mais ils trouveront en face d'eux un adversaire implacable pour qui la fin justifie les moyens, virtuose et expert en arts martiaux, mais qui possède un atout non négilgeable : un membre viril bien pourvu, qu'il entraine tel un muscle et qui lui sert d'« arme de persuasion » des plus efficaces auprès de la gente féminine.


La rencontre entre ce personnage de bande-dessinée absolument délirant et l'acteur/producteur Shintaro Katsu (l'interprète immortel de la série Zatoichi) ne pouvait que déboucher sur un OVNI filmique et immédiatement culte, à l'image de la série des Baby Cart (interprété par le frère de Katsu, Tomisaburo Wakayama). Décliné sur trois épisodes, réalisés par trois réalisateurs différents, entre 1972 et 1974, la série Hanzo the Razor connu alors un grand succès, avec son héros sombre et plutôt limite, mais elle ne survécu pas à la banqueroute de la société Katsu Production en 1975. En France, mise à part la sortie cinéma du second volet, bêtement retitré Kung-Fu Hara Kiri, la série restait désespérément dans les limbes jusqu'à l'arrivée de ce coffret Wild Side, malheureusemnt amputé de son premier épisode (encore une tortueuse histoire de droits), qui plus est, le meilleur car réalisé par le maître du chambara sanglant, Kenji Misumi.
Mais ne boudons pas notre plaisir, les deux volets restants, mis en scène respectivement par Yasuzo Masumura (L'Ange Rouge, La Bête Aveugle) et le moins connu Yoshio Inoue, sont de véritables régals et peuvent figurer parmi les meilleurs exemples d'un cinéma qui n'existe (malheureusement) plus ...


HANZO THE RAZOR 2 – L'ENFER DES SUPPLICES

Le réalisateur de ce second opus de la trilogie Hanzo The Razor, dont le titre original est Goyôkiba : Kamisori Hanzô jigoku zeme, est l'immence Yasuzo Masamura, spécialiste du cinéma subversif, briseur de tabous, que ce soit dans le mélodrame bourgeois (Passion), la critique de la guerre (L'Ange Rouge) ou le délire érotique (La Bête Aveugle). Marchant sur les traces de Misumi, qui avait réussit le cocktail parfait entre le Jidai-Geki (film en costumes) et le genre exploitation, sans oublier une petite rasade de critique sociale, Masamura enfonce le clou encore plus loin en faisant de Hanzo un être quasi-invincible et encore plus libidineux qui n'aura de cesse de rendre la justice. Avec cette histoire mêlant prêtresses livrant leurs ouailles à la prostitution, avortements, comploteurs ninjas, Hanzo apparait certes comme un personnage ambivalent, comme tous les chantres de la justice expéditive tel l'inspecteur Harry ou Paul Kersey, mais aussi comme un être réfléchi et soucieux de la morale qu'il veut appliquer.


Au gré de séquences faisant la part belle à la violence (la maison de Hanzo transformée en chausse-trape pour les ninjas), la torture (voir les moyens utilisés pour faire parler la prêtresse !) mais aussi à l'humour (véhiculé par les deux sbires de Katsu, Onibibi et Mamushi petits voleurs appeurés remis sur le droit chemin), Shintaro Katsu apparait comme le seul interprète pouvant incarner ce caractère bigger than life. Car réussir à faire de cet officier de justice violeur et égocentrique, avec toutes les exagérations qui vont de soit, comme un véritable héros relève de l'exploit(ation) pur et simple. L'exemple parfait réside dans ce qui est la scène emblématique et une constante dans les trois films : les aveux arrachés grâce la puissance de son sexe, à sa « victime » suspendue à un filet tel un jouet et qui deviend consentante à force de plaisirs.


L'autre point fort du film réside dans la gestion des différentes ambiances dans lesquelles évoluent Hanzo, claire et feutrée lorsque celui-ci se retrouve dans les hautes sphères de l'état, glauque et nocturne lorsqu'il enquête ou affronte ses adversaires. N'hésitant pas à user de cadrages absolument déviants magnifiant encore plus son interprète principal (le générique avec l'entraînement de Hanzo est à ce titre hallucinant !), Masumura soigne aussi bien la photo que le montage, faisant de cet Enfer des Supplices un film qui ne démérite pas aux yeux d'une oeuvre souvent estampillée Arts et Essais, et qui sera une expérience unique pour le spectateur occidental qui n'est pas encore habitué à un pareil déchaînement de sauvagerie sexuelle, mélangé au plus pur du chambara .



HANZO THE RAZOR 3 – LA CHAIR ET L'OR

Dernière des aventures de Hanzo à avoir été portée à l'écran, La Chair et l'Or va cette fois-ci moins dans le délire que dans les deux premiers volets de la série mais s'appuie sur un background historique et social un peu plus explicité. La trâme de Goyôkiba: Oni no Hanzô yawahada koban, réalisé par Yoshio Inoue en 1974, avec toujours Shintaro Katsu, s'appuie pratiquement sur le même canevas que dans les autres épisodes : Hanzo intervient pour élucider une enquête aux contours très mystérieux (avec ici apparition d'un « fantôme » féminin), pour ensuite dévier vers la révélation d'un complôt souvent ourdi par des puissants (ici la récupération du trésor du shogunat).


Si cette fois-ci l'intrigue est moins passionnante et se tire un peu en longueur (le méchant de l'histoire est vite identifié), le film de Yoshio Inoue s'appuie sur des personnages secondaires un peu plus étoffés que d'habitude et surtout du point de vue féminin. Nous avons ainis droit à deux coutumières des rôles déshabillés, avec d'un côté Aoi Nakajima dans le rôle de la femme libertine du seigneur Kato, qui succombe de manière comique aux assauts de Hanzor, et de l'autre, dans celui du faux spectre qui sera « interrogé » de la manière habituelle, la talentueuse et magnifique Mako Midori (déjà dans La Bête Aveugle de Masumura). Le dernier acte se rèvelera explosif, avec, pour la première fois l'utilisation d'arme à feu dans la série, avec ce canon causant la panique des gardes du Shogun, arme considérée comme « barbare » par Hanzo préférant toujours son sabre pour régler les comptes. Katana qu'il sortira encore une fois pour son dernier duel, où il affronte son opposant tout en étant attaché à lui par le biais d'une chaïne.


La réalisation de Yoshio Inoue est certe moins inspirée que celle de Misumi ou de Masumura, avec des cadrages moins innovants et un côté ouvertement moins fantastique (sauf au début ) mais il est vrai que la série est devenu le véhicule parfait d'un Shintaro Katsu omniprésent et sur qui repose pratiquement tous les ressorts, même comiques, d'un film qu'on aurait aimé plus enlevé. Il demeure que La Chair et l'Or demeure un bon spectacle et se laisse voir avec grand plaisir, ultime volet d'une saga définitivement culte qui méritait amplement une sortie en DVD digne de ce nom. Dommage que l'absence du premier épisode Goyôkiba aka The Razor - Sword of Justice ne rend pas ce coffret définitivement collector. Pour se rattraper, il faudra que Wild Side nous sorte les deux Lady Snowblood et commence à s'intéresser à la saga Nemuri pour notre plus grand bonheur à tous.

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