Critique : 49ème parallèle

Sébastien de Sainte Croix | 12 avril 2006
Sébastien de Sainte Croix | 12 avril 2006

Ce film s'inscrit dans un « courant » très particulier : l'effort de guerre. Churchill voyait dans le cinéma un moyen très puissant de galvaniser la population. Le ministère de la guerre britannique a donc bénéficié de moyens colossaux pour mener à bien ses projets. Fort du succès de The Black Spy (L'Espion noir), Michael Powell a carte blanche pour réaliser son prochain film. Suite à la lecture d'un article sur le Canada et son engagement dans le conflit, il décide d'y situer l'action de son nouveau projet et « de foutre une trouille telle aux américains qu'ils précipiteront leur engagement dans le conflit ». Michael Powell se rend en repérages au Canada avec Emeric Pressburger avec lequel il collabore pour la troisième fois.


En relatant la cavale (fictionnelle) de six sous-mariniers nazis traversant une partie du Canada pour rejoindre la frontière américaine (situé au niveau du 49° parallèle) Powell et Pressburger surprennent en adoptant le point de vue des oppresseurs nazis égarés dans un pays qu'ils ne connaissent que par des cartes volées ou des stéréotypes éculés (l'esquimau ne vaut pas mieux que le Noir ou le Juif). À chaque étape de leur périple, ils seront confrontés à l'incompréhension et à la résistance morale de gens ordinaires venant d'horizons très différents : du canadien d'origine française (incarné par un Laurence Olivier en grande forme) à l'émigré allemand de seconde génération qui devront adopter une attitude héroique pour survivre à l'envahisseur nazi.


Leur attitude privilégie d'abord la parole avant de recourir à des actes violents, à l'inverse des nazis qui n'hésitent pas à commettre les pires exactions. Si Pressburger condamne en bloc l'idéologie nazie (pour en avoir lui-meme souffert) il ne condamne pas tous les allemands pour autant et associe le nazisme à une maladie qui gangrène la société allemande de l'époque. Face à leurs frères allemands (ils tentent de s'intégrer dans une communauté allemande qu'ils croient acquise à leur cause), les fugitifs ne trouveront que de l'incompréhension et de la méfiance. La réponse que fait Anton Walbrook (le patriarche de la communauté Huttérite) à la déclamation de propagande de l'officier nazi anticipe le discours que le même comédien tiendra dans Colonel Blimp, sous les traits d'un ancien militaire allemand venant demander l'asile politique et racontant son histoire du nazisme.


Le scénario – même fictif – relate des événements contemporains (tournage rendu d'autant plus difficile que la guerre fait rage en 1940) et les acteurs sont pour la plupart démobilisés le temps du tournage. Michael Powell adopte une mise en scène très riche donnant à son film de propagande des airs d'épopée (montage enlevé et elliptique où les surimpressions et les enchainement chers à Powell ne se comptent plus) parsemé de scènes contemplatives où le réalisateur rend compte de la beauté et de l'immensité du pays. Passé maître du tournage sur plateaux, le réalisateur anglais va néammoins imposer de réaliser la majeure partie de son film sur place, en extérieur au Canada.


Le film remporte un franc succès dès sa sortie en 1941. Le duo s'aquitte avec brio de la commande « militaire » (Pressbruger remportera l'Oscar du meilleur scénario en 1943) sans jamais revoir leurs impératifs artistiques à la baisse. Fort de cette nouvelle expérience bicéphale, le duo Powell-Pressburger commence alors à réfléchir à un tout nouveau projet : La création d'une compagnie indépendante où les deux hommes pourraient laisser libre cours à leur imagination créatrice débordante. Elle se nommera Les Archers.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire