Critique : L'Amérique de Michael Moore

Erwan Desbois | 11 février 2005
Erwan Desbois | 11 février 2005

France Télévisions profite de l'engouement actuel autour de Michael Moore pour sortir en DVD les deux saisons de la série télé qu'il a animée sur la chaîne câblée américaine Bravo Cable, L'Amérique de Michael Moore. Le nom original de la série, bien que moins vendeur en France, est plus explicite quant au contenu : The awful truth, que l'on peut traduire en français par « L'inavouable vérité ». Chaque épisode contient deux ou trois reportages traitant d'un sujet d'actualité polémique... aux États-Unis. C'est là le principal accroc de cette série : elle est tellement ancrée dans l'actualité américaine de la fin des années 2000 que certaines références (en particulier des noms d'hommes politiques ou de sociétés) sont peu accessibles pour le spectateur français, rendant caduques les blagues qui y sont liées. De même, certains sujets internes aux USA et sans écho chez nous laissent de marbre. Mais ceux-ci sont minoritaires, et la plupart des problèmes auxquels s'attaque Michael Moore restent tout à fait compréhensibles et captivants pour quiconque s'intéresse un tant soit peu aux USA : on peut citer par exemple l'absence de couverture sociale pour un grand nombre d'américains, les licenciements abusifs pratiqués par certaines sociétés, les bavures policières...

Pour ceux que la dénonciation balourde de Fahrenheit 9/11 avait déçus, L'amérique... est l'occasion de redécouvrir qu'au 20è siècle, Michael Moore était un agitateur public de premier ordre. Le format télévisuel, et son obligation de faire court (jamais plus d'une dizaine de minutes par sujet), force en effet Moore à se cantonner à des sujets de proximité et ne lui laisse pas le temps de monter sur ses grands chevaux. On retrouve du coup au fil des épisodes tout le mordant du Michael Moore de Roger et moi ; un Michael Moore impertinent et satirique en diable, qui manie comme personne l'humour et la provoc' pour dénoncer les ratés du système américain, qu'il s'agisse de l'ultra-capitalisme, de la violence ou du puritanisme. Ses idées pour s'attaquer à ces dérives sont souvent à hurler de rire, souvent pertinentes et efficaces, et encore plus souvent les deux en même temps. Qui d'autre aurait pu penser à faire, suite à la bavure de policiers qui ont tué un Noir pour avoir confondu son portefeuille avec un pistolet, une collecte de portefeuilles à Harlem pour les remplacer par des modèles orange fluo, plus simples à reconnaître pour la police ? Dans la même veine, Moore va accuser le procureur Kenneth Starr d'incitation à la débauche pour son rapport d'enquête sur l'affaire Clinton - Lewinsky, ou encore inviter les dirigeants d'une mutuelle à l'enterrement d'un de ses « assurés », dont ils refusent de rembourser une greffe vitale de pancréas. Des idées à la fois hilarantes et ravageuses, pour un résultat jouissif.

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