Critique : Le Chat botté

Eric Dumas | 27 janvier 2005
Eric Dumas | 27 janvier 2005

Extrait d'une sélection de films ayant fait de la Toei Doga l'une des plus grandes firmes cinématographique japonaise (et diffusé en 2003 au Forum des Images lors du « festival des Nouvelles Images du Japon »), Le Chat botté s'inscrit dans la plus pure tradition des productions de cette époque, allant même jusqu'à lui montrer le chemin. Si Wild Side Vidéo a permis à ce titre de connaître les honneurs d'une sortie vidéo, c'est, notamment, grâce à la présence au générique de l'un des plus grands maîtres de l'animation japonaise : Hayao Miyazaki. Si le film porte quelques lointaines marques de l'homme (sorte de valeur ajoutée), le résultat s'offre, de surcroît, comme une véritable réussite aussi bien sur un plan artistique que commercial.

Librement inspirée du célèbre conte de Charles Perrault Le Maître Chat ou Le Chat botté, l'histoire est traitée comme aurait pu l'être un des grands classiques Disney. En alternant avec intelligence et sensibilité une narration linéaire traditionnelle et d'agréables chansons, le réalisateur a cherché à occidentaliser son film afin de lui faire rencontrer un public plus large qu'à l'accoutumée. Plus encore que la narration, le traitement de certains personnages s'inscrit dans cette direction. On ne peut s'empêcher de penser aux transformations successives de la méchante Maléfique (La Belle au bois dormant) pour le personnage de Lucifer, ou bien aux souris de Cendrillon pour les petits rats occupants les sous sols du château... En outre, avec son choix d'adapter un aussi célèbre récit, le réalisateur, soutenu par ses producteurs de la Toei Animation, s'éloigne de la conception typique des productions japonaises que connaissait le Japon de l'après-guerre (le plus souvent taxées de collaboration à la propagande impérialiste et sous étroite tutelle de l'occupant américain [Ilan Nguyên et Xavier Kawa-Topor / Le Forum des Images]). C'est ainsi qu'émerge une « nouvelle vague » de cinéastes dont font partie Osamu Tezuka, Hayao Miyazaki, Isao Takahata... Le film, sorti en salles un an après le maintenant célèbre Horus, prince du soleil, de ce même Isao Takahata (célèbre en France surtout pour Le Tombeau des lucioles), rencontra rapidement un énorme succès dans son pays puis, dans une moindre mesure, à travers le monde. Le triomphe rencontré au Japon fut tel que le personnage du chat, Péro, devint l'emblème de la Toei Animation durant de nombreuses années.

Doté d'un « character design » très soigné (alternant les caractérisations précitées et d'autres, plus typiquement japonaises), d'idées de mise en scène assez conceptuelles (l'utilisation d'un montage stroboscopique sur quelques plans, le mélange très réussi des tonalités comiques et tragiques…), de techniques d'animations innovantes et de quelques traits de personnalités de certains animateurs, en plus de ceux du réalisateur, l'ensemble est une authentique source d'intérêts. Il semble bien que, sous la direction de Kimio Yabuki, les différents animateurs clés aient joui d'une grande liberté canalisée et créatrice. La course finale, storyboardée par Hayao Miyazaki, en est le meilleur exemple. Si l'on savait l'homme inspiré par Grimault et son célèbre Roi et l'oiseau (réalisé en 1979, soit dix ans après le film qui nous concerne) pour son Château de Cagliostro, on ressent déjà une obsession de la poursuite qui sera à l'œuvre dans plusieurs de ses films (Porco Rosso, Le Château dans le ciel...). À moins que celle-ci ne vienne déjà de La Bergère et Le Ramoneur (1952) de ce même Paul Grimault ?… Quoi qu'il en soit, c'est déjà la présence de Miyazaki qui se manifeste.

Sans être une œuvre majeure du cinéma d'animation japonais (bien que le doute soit permis), c'est avec un plaisir indicible que l'on découvre ce film à la réalisation plus que soignée. Tantôt tragique, tantôt comique, et finalement très maîtrisée, la tonalité reste toujours emprunte de tendresse et de bonne humeur. Le film méritait bien l'énorme succès commercial et critique qu'il a remporté à sa sortie, et non ce plongeon dans les nimbes de l'oubli dont semble enfin l'extirper cette sortie DVD.

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