Les Incorruptibles : critique prohibée

Julien Foussereau | 26 septembre 2021
Julien Foussereau | 26 septembre 2021

Les incorruptibles, ce soir à 21h05 sur Arte.

Kevin Costner, Sean Connery, Robert De Niro, Andy Garcia, Brian De PalmaEnnio Morricone, David Mamet... Les incorruptibles, c'est déjà une équation en or sur le papier, avec de grands talents réunis pour adapter la série des années 60, créée par Quinn Martin. Et le résultat est à la hauteur, puisque c'est un des sommets de la carrière d'à peu près tous les gens concernés.

TV/CINÉ

Quelle est la meilleure adaptation ciné de série télé ? Les supporters indéfectibles de Michael Mann et les amateurs de recréations aussi décomplexées que fun ont déjà leur petite idée sur la question, avec Miami Vice et Charlie et ses drôles de dames. Ce serait oublier la contribution de Brian De Palma...

Associer son nom à l'exercice cité plus haut et l'on pense en premier lieu à son plus grand succès commercial : Mission impossible. Mais ce serait oublier Les Incorruptibles , adaptée d'une vieille série télé des années 50 du même nom retraçant l'histoire du mafieux Al Capone. Si le film n'est pas le meilleur film de son auteur, n'en demeure pas moins un sérieux prétendant au titre.

 

Photo Kevin Costner, Les IncorruptiblesUn duo inoubliable

 

Comme il le fera neuf ans plus tard avec Mission : Impossible, De Palma ne veut pas d'une transposition fidèle du matériau d'origine. Il prend du recul par rapport au réalisme de la série afin de dépeindre le Chicago de la Prohibition comme une ville en guerre. Le cinéaste est davantage intéressé par la portée mythique de cette histoire que par les faits en eux-mêmes. Les premières minutes du film indiquent immédiatement les aspirations des Incorruptibles.

À travers l'interview de Capone pendant son rasage au cours de laquelle il formule sa détestation de la violence, suivie de l'horrible mort de la petite fille dans le café (clin d'oeil discret à Sabotage de Alfred Hitchcock au passage) et la première scène de Eliot Ness, de dos, lisant la terrible nouvelle, Brian De Palma désire un affrontement obsessionnel écrit dans le sang et dans une démesure digne d'un opéra baroque.

 

photo, Robert De NiroÇa défouraille sec

 

LA SOIF DU MAL

À grands renforts de plongées et de plans-séquences, De Palma semble faire croire à son public qu'il filme une traditionnelle lutte entre le Bien et le Mal. Ce serait sans compter l'intelligence du scénario de David Mamet. Dès le départ, les dés sont pipés par l'objet de toutes les attentions (pas de drogues, juste de l'alcool) et par le manque de profondeur de Eliot Ness. Le futur tombeur de Capone y est montré comme un fonctionnaire servile et scrupuleux des règles, viscéralement incapable de questionner la Loi et la Justice.

C'est un peu la grande question des Incorruptibles, véritable leitmotiv énoncé à plusieurs reprises par Malone, magistrale composition de la figure patriarcale de Ness par Sean Connery : « Jusqu'où êtes vous prêt à aller ? ». Pour se payer Capone, Ness devra enfreindre toutes les limites pénales qu'il s'est fixé. « Je suis allé jusqu'à me parjurer, je suis devenu comme ceux que je combattais et J'AI BIEN FAIT ! » dira-t-il à la fin. D'un point de vue général, cette remarque est anodine, intégrée dans l'oeuvre de De Palma, elle s'apparente à l'assouvissement de l'obsession.

 

photo, Kevin CostnerKevin Costner et une scène culte bien connue

 

Cette finesse thématique implicite se voit relayer par la mise en scène ébouriffante de De Palma, qu'il s'agisse de sa marque de fabrique habituelle ou de l'utilisation brillante de la palette colorimétrique : ambiance terne pour les incorruptibles tandis que le rouge (sang) et les couleurs pétantes dominent l'univers de Capone. Ses plus fervents détracteurs avanceront qu'il ne fait que s'inspirer des plus grands. Ils n'auraient pas tout à fait tort. Mais De Palma emprunte aux plus grands pour mieux se les réapproprier. On pense à l'embuscade aux portes du Canada, où police montée, moteurs à explosion, et fusils à canon scié, se substituent aux cavaleries, diligences et winchesters Fordiennes.

Et l'on en vient à la démentielle arrestation du comptable de Capone dans la gare centrale de Chicago : dix minutes intenables et virtuoses, s'inspirant autant des marches d'Odessa dans Le Cuirassé Potemkine que de l'esthétique de la violence selon Sam Peckinpah ; dix minutes que l'on peut se repasser à loisir sans éprouver ne serait-ce qu'un début de lassitude ; dix minutes qui synthétisent la grande époque de De Palma.

Maintenant, si Les Incorruptibles peine encore à s'imposer comme une des plus brillantes réussites du cinéaste, cela s'explique peut-être par la faiblesse des scènes home sweet home de Eliot Ness, futile tentative d'humaniser un personnage fait d'un seul bois. Ce défaut mis à part, le film reste un grand divertissement.

 

Affiche

Résumé

Un des grands chef d'œuvres de Brian De Palma, magnifique écrit, mis en scène et interprété.

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commentaires
utre
29/09/2021 à 19:50

revu il y 'a quelque mois et honnêtement le film à mal vieilli , il est tellement kitch aujourd'hui
et certaine scènes semble vraiment emmener avec des gros sabots et proche du ridicule ... . Mais bon toujours un plaisir quand même de revoir l’atmosphère des vieux films de maitres . Clairement un des moins bons Depalma pour moi .

Starfox
27/09/2021 à 10:06

Et sinon, une remastérisation 4K de ce film qui est quasiment devenu un classique, un jour non ?

Non parce que hier soir, j'ai zappé entre "les incorruptibles" et "la situation est grave mais pas désespérée" avec Jean Lefèvre (un choc thermo-nucléaire que de passer de l'un à l'autre), et bien la copie de ce dernier était de meilleur qualité que celle du film de De Palma !!

Une honte absolue.

Kyle Reese
26/09/2021 à 23:18

Revu pour l'occasion et son seul défaut est d'être peut être un peu trop court.
Ce film vu au ciné à l'époque est devenu un classique instantané pour moi.
Connery en imposait gravement, tout en charme et autorité paternel. De Niro réussi en une seule scène a imposer son personnage. Le coup de la batte ... marquante. Costner en jeune premier idéaliste fringuant devennait le gendre parfait de l’Amérique. Garçia fait une belle entrée au sein d’Hollywood avant le Parrain 3 et j'ai toujours bien aimé Charles Martin Smith depuis Un homme parmi les loups Un cast quasi parfait. Et la musique ... mais quelle musique.
Ennio Morricone quoi. El Maestro que j'ai pu écouter en live à paris Bercy en 2018.
Enfin la mise en scène au cordeau de De Palma, peut être un peu plus sage qu'à l'habitude sauf pour 2-3 scènes devenue des références. Que de beau souvenir tout ça. Du vrai cinéma passion.

Faurefrc
26/09/2021 à 18:49

Plutôt d’accord avec certains des commentaires précédents : excellent film mais pas aussi bon que l’impasse… film relativement méconnu par ailleurs.

Saiyuk
26/09/2021 à 15:15

La scène chez Malone...une leçon de gestion de l'espace...
Grand film

captp
01/11/2020 à 11:48

Sorry pour le double post mais outrage est une perle de DePalma assez méconnue... Si ça donne envie à une seule personne de le voir alors cet ajout n'aura pas été inutile ;p

captp
01/11/2020 à 11:45

Pas mon DePalma préféré aujourd'hui mais un film au combien important pour moi. Assez grand public pour m'intéresser à l'époque il est un des deux films (avec les sentiers de la gloire) qui m'ont fait prendre conscience qu'il y avait un artiste réalisateur derrière chaque films. Évidemment la scène du landeau y est pour beaucoup.
Pour la petite histoire cette scène à été improvisé au dernier moment et à remplacée une grosse poursuite entre un train et une voiture qui faute à un coût du film augmentant dangereusement n'a pas pu être tournée.

Cépafo
01/11/2020 à 10:35

Avec le temps, je trouve le montage (sauf pour la scène de l'escalier) un peu suranné.

Bon Blockbuster de l'époque mais de là à crier au chef d'oeuvre. Andy Garcia transparent. Scènes parfois baclées, parfois ça me faisait penser à du Borsalino and Co . Encore une fois bon film mais pas un grand De Palma.

En revanche comment Ennio Morricone n'a pas eu d'Oscars pour ce film??? Le thème d'Al Capone et la musique de fin sont ahurissantes.

Mon curé chez les nudistes
01/11/2020 à 08:28

Le film a trop mal vieilli et mon dieu les ficelles à chaque scène, les gros sabots... inregardable aujourd'hui, désolé, oui L'impasse lui passe largement devant.

Actar
01/11/2020 à 08:16

L'équipe..

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