Critique : L'Homme de sa vie

Erwan Desbois | 10 octobre 2006
Erwan Desbois | 10 octobre 2006

Un couple uni au sein duquel l'amour se décline sur les tons de la quiétude et de la routine (Frédéric et Frédérique), un électron libre qui apporte l'imprévu et vient bousculer cet équilibre (Hugo) : pour son deuxième long-métrage après Se souvenir des belles choses, Zabou Breitman a choisi un point de départ déjà vu maintes fois au cinéma. On pourrait donc craindre un récit convenu ; c'est tout le contraire que nous propose la réalisatrice et scénariste, qui décide de tracer sa propre voie pour décrire la magie des sentiments amoureux en même temps que ce qu'ils cachent de doutes, de compromis et de volte-faces. Sur ces émotions universelles, elle appose en effet une forme extrêmement stylisée dans le scénario comme dans la réalisation. Le résultat détonne dans un cinéma français plus habitué à des traitements naturalistes qu'aux décrochages parfois quasi-Lynchiens que contient L'Homme de sa vie.

La déconstruction du récit, qui traite la banalité du quotidien des personnages par de brusques ellipses et fait revenir comme un refrain entêtant la nuit platonique mais intime que Frédéric et Hugo ont passée seuls à discuter, et l'utilisation inspirée d'autres formes d'art (graphisme, musique, danse) dans la mise en scène donnent au film une identité unique. Talentueuse et ambitieuse, Zabou en fait parfois un peu trop – certaines séquences sont sur-écrites ou sur-mises en scène. Mais son pari est indéniablement couronné de succès sur la durée, tant l'univers sensoriel qu'elle crée nous émeut et nous trouble.

Ce trouble vient aussi de la finesse de description et de jeu des héros. Tous trois luttent avec des émotions contradictoires, au premier lieu desquelles le désir d'aventure et celui de sécurité. Les comédiens rendent tangibles ces errements intérieurs : Charles Berling démontre à nouveau sa capacité à se réinventer à chaque rôle avec cette incarnation d'une tentation sensuelle et mystérieuse, et face à lui Bernard Campan et Léa Drucker excellent en époux confinés dans leur couple, qui provoquent leur perte à force de se cacher leurs désirs et regrets.

Du début – l'une des premières scènes peut faire penser que Frédérique avait elle aussi des vues sur Hugo – à la fin ouverte quand au futur du trio, Zabou maintient un souci constant de ne pas enfermer ces hommes et cette femme dans des cases bien définies. En plus de sa qualité plastique, cette attitude empathique et intelligente est la seconde grande force de L'Homme de sa vie, et toutes deux contribuent à en faire un film sensible, bouleversant, et beau.

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