Critique : Arrivederci amore, ciao

Patrick Antona | 1 août 2006
Patrick Antona | 1 août 2006

Arrivederci amore, ciao marque le retour sur le devant de la scène d'un des meilleurs réalisateurs italiens, à savoir Michele Soavi, plus de dix ans après son dernier opus (le vénéneux Dellamorte Dellamore) et confirme la renaissance du cinéma de genre transalpin.

Tout comme le réussi Romanzo Criminale sorti il y a quelques mois, le film de Michele Soavi trouve sa source dans la situation politique trouble et violente des années 70, mais uniquement pour planter l'origine du trauma qui a poussé Giorgio (impressionnant Alessio Boni) à devenir un terroriste exilé en Amérique du Sud. Par la suite, Soavi va nous entraîner dans le parcours déconcertant de l'ex-activiste de gauche de retour en Italie, assistant à ses côtés à sa quête de respectabilité mais aucunement à sa rédemption. Car de retour au pays natal, Giorgio va à nouveau replonger dans la marge, frayer avec le monde interlope du crime, devenant tour à tour recouvreur de dettes pour un maffieux, organisateur de casses avec des ex-snipers croates et terminer par se la couler douce aux côtés de la bourgeoisie du Nord, avant que le destin funeste ne vienne encore mettre son grain de sel.

Adoptant le rythme du roman originel écrit par Massimo Carlotto, ainsi que son pessimisme profond, Michele Soavi nous plonge avec délectation dans la vie de cet homme que rien ne peut racheter, mais qui n'est en fait que le miroir d'une société moderne en pleine déliquescence, où l'idéologie a disparu, remplacé par la prédominance de l'argent et du sexe. Très bon illustrateur, le cinéaste sait se servir de la caméra, composant de véritables tableaux lorsqu'il s'agit de décrire les arcanes d'une boîte de nuit où des nymphettes déguisées archanges se dandinent devant des noctambules hagards et cocaïnés (rendant un hommage discret au grand érotomane Tinto Brass) ou quand un appartement bourgeois se transforme en labyrinthe mortel pour l'éprouvante scène finale.

L'autre grande qualité de Arrivederci amore, ciao réside dans son casting. Face à l'omniprésent et redoutable Alessio Boni, visage d'ange italien sur lequel les années n'ont pas de prise (un choix volontaire du cinéaste), le réalisateur a composé une galerie de personnages féminins solides qui réussissent un tant soit peu à humaniser ce pourri de Georgio, ce dernier arborant un masque impénétrable et refoulant avec méthode ses émotions. Isabella Ferrari (vue dans L'Anniversaire dernièrement) est parfaite dans le rôle de Flora, femme délaissée qui paie en nature les dettes contractées par son mari et qui développe avec Georgio une relation amour/haine intense et crédible. Quant à la quasi-débutante Alina Nadelea, elle réussit à nous faire croire que la naïve Roberta réussira à transformer un homme pour qui la corruption a toujours prévalu sur l'innocence.

Mais l'autre grande révélation de Arrivederci amore, ciao réside dans l'utilisation en plein contre-emploi de Michele Placido, éternel commissaire Corrado de la série TV La Piovra et réalisateur à succès de Romanzo Criminale. Ici, il abandonne sa crinière poivre et sel et sa proverbiale intégrité pour incarner avec jubilation le sombre inspecteur Anedda, flic manipulateur et ripou qui sera comme l'ange corrupteur de Georgio, véritable moteur de l'action du film dans son deuxième tiers (la partie consacrée au hold-up et ses terribles suites) avec ses répliques définitives et son goût pour la violence.

Film à la lisière du polar et du fantastique (on pense aussi à Mario Bava par l'utilisation de la plongée/contre-plongée dans les scènes-clés), panorama déstabilisant sur une société italienne qui n'a pas encore évacué tous ses démons, Arrivederci amore, ciao concrétise en près de deux heures toutes les espérances que l'on pouvait placer en Michele Soavi, qui avait délaissé pour un temps le cinéma pour la TV, et qui réussit à nous tenir en haleine jusqu'à l'ultime scène finale, gonflée et terriblement ambivalente.

Arrivederci amore, ciao avec d'autres œuvres comme Romanzo Criminale et l'encore inédit Occhi di Cristallo témoignent d'un renouveau du cinéma italien, qui ne cesse de se confirmer tout au long de cette année 2006, et qui mérite amplement une vision au cinéma.

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