Critique : Monster house

Sandy Gillet | 3 juillet 2006
Sandy Gillet | 3 juillet 2006

Depuis les années 80 est apparue une sorte de sous classification topographique qui telle une mycose mal soignée est venue phagocyter tous les genres dit nobles du cinéma américain. Ce « mal endémique », cette localisation géographique reconnaissable entre toutes, c'est bien entendu la banlieue. De celle qui absorbe depuis les années 50 près de 70% de cette population américaine qui s'y « épanouit » à coup de barbecues dominicaux, de gazons forcément bien tondus et autres journaux du matin habituellement lancés par un pré-pubère un peu geek sur les bords depuis son vélo. De celle aussi qui a engendré une génération de cinéastes telle que Robert Zemeckis, Joe Dante ou encore Steven Spielberg donnant à ce sous-genre qui n'en est pas vraiment un ses lettres de noblesse indéfectibles.

Car ne nous y trompons pas, grâce à eux les années 80 est au film de banlieue ce que le film noir fut aux années 50, une sorte de dégénérescence bienvenue : là, la ville et sa nuit interlope porteuse de tous les vices et de tous les dangers, ici la banlieue témoin de toutes les petites frustrations et incompréhensions de la vie quotidienne qui débouchent inévitablement sur LA grande aventure. Petite précision en effet le film de banlieue se regarde, se jauge, se juge à hauteur de l'enfance au moment où celle-ci bascule vers l'adolescence. C'est cet instant douloureux où les premières illusions tombent que Spielberg a traqué avec son E.T. L'extra-terrestre où la banlieue est à la fois un havre de paix et un endroit hostile. Que dire aussi de Poltergeist produit par Spielberg ou encore des Goonies dont l'histoire est marquée de son sceau. Quant à Joe Dante, même si son héros est plus âgé dans Gremlins 1 et 2, le postulat reste le même : la banlieue + un corps étranger = conséquence désastreuse après incubation… Alchimie qu'il reprendra et qui lui vaudra d'ailleurs son chef-d'œuvre à date avec The Burbs (Les Banlieusards) comme la touche finale d'un cinéma qui regarde déjà dans le rétro puisque disparaît définitivement avec ce film l'enfant qu'il n'est plus.


Qu'à cela ne tienne voilà que Zemeckis et Spielberg remettent cela en produisant quelque 17 ans plus tard une sorte de relecture du film de Dante à la seule différence notable que si ce Monster House traite à nouveau de l'acceptation de l'autre dans toute sa différence, il le fait en animation de synthèse. S'agirait-il de succomber aux sirènes de la mode actuelle qui ne jure que par le tout numérique ? Peut-être mais que cela est bien fait à tel point que Pixar n'a qu'à bien se tenir tant dans la forme que dans le fond. C'est qu'en terme de prouesses techniques et algorithmiques Amblin (la boite de Spielberg faut-il le rappeler), Imagemovers (celle de Zemeckis) et Sony Pictures Animation (dont Monster House est le premier film d'animation en attendant Les Rebelles de la forêt prévue pour la fin d'année) révolutionnent ici le genre ou tout du moins l'emmènent vers de nouveaux horizons avec ce procédé hybride d'animation et de captations de mouvements déjà expérimentés sur Le Pôle Express de Zemeckis justement. La surprise vient qu'ici cela marche à plein permettant à l'ensemble d'acquérir une identité visuelle très affirmée* là où Disney se cherche encore et où DreamWorks Animation ne fait que dans le suivisme éhonté.


Au-delà de cette réussite graphique c'est donc bien d'un retour aux sources du film de banlieue dont il s'agit ici avec ses trottoirs et ses maisons bien alignés recélant en son cœur une anomalie en la « personne » d'une demeure branlante qui a tout l'air d'être possédée selon son voisin d'en face à l'imagination forcément débordante du haut de ses douze printemps. Si la suite lui donnera raison, elle permettra surtout à son jeune réalisateur Gil Kenan dont c'est la première expérience dans le long (il s'est fait remarquer avec The Lark, un court de fin d'étude au sujet étonnamment connexe puisque celui-ci montrait également une maison emplie de larmes et de colère), de mettre magistralement en forme un scénario mêlant habilement comédie familiale et film d'épouvante tout en y insufflant un je ne sais quoi de burtonnien de bon aloi renvoyant avec certitude au superbe et inégalé Edward aux mains d'argent.

Pourtant dit comme cela Monster House ne semble être qu'une série de clins d'œil d'une heure et demie à d'illustres classiques du 7e art certes réussie mais qui pourrait en lasser plus d'un sans parler de ceux qui s'en battent l'œil justement de toutes ces références cinéphiles (quasiment présentes au détour de chaque plan). Ce serait bien entendu se fourvoyer tant le résultat final dépasse la simple jouissance savante ne serait-ce que par l'aspect gentiment irrévérencieux des dialogues et des situations, de la critique en sous-main d'une société aussi aseptisée que ses banlieues dortoirs pour classe moyenne américaine et surtout pour son humour bien souvent décapant permettant au final de multiples lectures propres à satisfaire tant le sale mioche de neuf ans que l'adulte un peu bougon.

Pour tout cela Monster House est une réussite indéniable, de celle qui forme définitivement les réputations élogieuses et on l'espère le fil rouge des futures productions du même acabit à l'instar de ce que fut Pixar avec l'acte véritablement fondateur que fut pour eux les deux Toy Story. C'est vraiment tout le mal que l'on souhaite à Sony Pictures Animation.

* Un parti pris esthétique qui pourra d'ailleurs rebuter ceux qui ne jurent que par le souci toujours grandissant du détail propre à Pixar où les poils verts-bleus ondulant sous le blizzard de Sullivan dans Monstres & Cie sont par exemple à comparer au statisme genre Playmobil des cheveux de tous les personnages dans Monster House.

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