Critique : Comme tout le monde

Audrey Zeppegno | 21 juin 2006
Audrey Zeppegno | 21 juin 2006

Loft Story et son cousin yankee Big Brother ont engendré un tel pataquès télévisuel, qu'on attendait la bave aux lèvres que des voyeurs audacieux projettent le procédé en version grand angle. Mais depuis Ed TV et l'excellentissime Truman Show, les cinéphages sadomaso rongeaient leur frein. Pas l'ombre d'une mise en abyme de caméras cachées à se foutre sous la dent. Et comme en cas de disette, on vide souvent les fonds de tiroirs, nous étions à deux doigts de nous greffer une énième saison de l'île de la tentation en intraveineuse. L'entreprise s'annonçait des plus suicidaires, mais que tous junkies de la Real Tv se rassurent : Comme tout le monde arrive à la rescousse, pour nous éviter l'overdose de bécasses en monokinis et l‘abrutissement grégaire qui n‘aurait pas manqué de nous griller quelques neurones supplémentaires. Et comme une bonne surprise arrive rarement seule, il se trouve que cette satire abrasive, c'est un frenchie impertinent qui nous l‘offre sur un plateau. L'occasion est trop rare de pouvoir fredonner la Marseillaise avec fierté pour s'en priver. Surtout qu'en ces périodes de coupe du monde cafardeuse, les cocoricos bravaches restent désespérément aphones.

Bref, parenthèse déconfite fermée, si tant est que vous désiriez vous auto flageller avec le sourire aux lèvres, ricaner de vos pires manies, tout en vous éveillant aux effets pervers du consumérisme ambiant, ce bijou corrosif comblera tous vos désirs. Par l'intermédiaire de Jalil, vainqueur d'un jeu télé qui jure de canoniser celui qui saura répondre aux questions les plus farfelues, en briguant l'avis de la majorité, Pierre Paul Renders tire la sonnette d'alarme. Parce qu'il pense comme tout le monde, cet instit anonyme passe pour un spécimen exceptionnel au regard de la firme de sondage la plus influente de la métropole. Pensez donc : à lui seul, ce quidam est susceptible de leur économiser quelques millions d'enquêtes laborieuses et aléatoires ! Le filon est trop alléchant pour que ces capitalistes captieux ne misent pas sur cette poule aux œufs d'or qui remporte tous les suffrages. Ni une, ni deux, l'appartement de leur cobaye attitré se truffe de caméras espionnes. Son écran plat flambant neuf lui diffuse des pubs qu'il teste à son corps défendant, en toute exclusivité, et comme il fallait incruster une louve dans le poulailler pour que le guet-apens soit vraiment productif, on lui fourre dans les pattes une donzelle entreprenante, chargée d‘inventorier ses goûts nuit et jour.

Bien évidemment, l'embrouille ne tardera pas à virer au vinaigre en donnant l'avantage à la présumée victime qui mutera en champion de la globalisation de masse. Le système prolifique se grippera, et la machination commerciale accouchera d'un fricoteur expert en la matière du coaching d'entreprise. Comme quoi, pour peu que le cinoche se la joue moins faux derche que le mirage aux alouettes diffusé par les ondes hertziennes, il réalise des miracles. La comédie kleenex se pare de vertus psychanalytiques, le scénar purge la traque de la célébrité de ses particules éphémères, les protagonistes a priori monolithiques fendillent leurs masques pour nous tendre un miroir peu flatteur, et les spectateurs réchappent de ces mésaventures tout groggy mais le cœur léger. Consacrer deux heures de notre temps à Comme tout le monde nous fait l'effet d'une cure de désintox. Nos pires addictions n'en clamsent pas pour autant, mais ça fait un bien fou à nos conscience de victimes de la mode.

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