Critique : Les Enfants du pays

Julien Foussereau | 19 avril 2006
Julien Foussereau | 19 avril 2006

À l'heure où Edouard Montoute et Hubert Koundé font part de leur ras-le-bol devant un cinéma national décidément frileux à l'idée de les laisser occuper le haut de l'affiche, sous prétexte que leur couleur de peau ne les rend pas bankable, on aurait aimé saluer Les Enfants du pays. C'est paradoxalement dans ce contexte que cette même industrie française produit enfin des films sur le colonialisme comme le courageux La Trahison de Philippe Faucon, en pleine guerre d'Algérie, voire même OSS 117, comédie inégale pourtant marquée par les saillies racistes du colon Hubert Bonisseur de la Bath (Jean Dujardin), volontairement bêtes, assurément tordantes.

Le film de Pierre Javaux traite des ressources humaines de l'Empire colonial français, en pleine seconde guerre mondiale. La note d'intention du scénariste Emmanuel Mauro nous rappelle que plus de 30000 tirailleurs sénégalais y ont laissé leur peau, le plus souvent en première ligne, et que De Gaulle a préféré étouffer ce fait pour diverses raisons (risque d'incompréhension des populations, besoin de canaliser la résistance)... Devant de si belles intentions, on est presque gêné de contredire Emmanuel Mauro quand il affirme : le scénario a demandé beaucoup de recherches historiques et le film fut très difficile à financer, du fait de la présence majoritaire d'africains [...]. Si Michel Serrault n'avait pas accepté de jouer à leurs côtés, tout laisse à penser que le film ne se serait pas fait.

Tout est affaire de point de vue, en l'occurrence la présence du comédien a été certainement du pain béni pour l'équipe du film, en revanche et sans la moindre hésitation, c'est un véritable calvaire pour le spectateur. En effet, il est malheureux de constater que Serrault ressert depuis quelques années sa sempiternelle composition de papy grincheux mais fondant à coeur, vu dans Une hirondelle a fait le printemps (Michel VS Mathilde) ou Albert est méchant (Michel, Christian Clavier, Arielle Dombasle et la jeune Priscilla VS nous pauvres spectateurs... au secours !). Résultat, Les Enfants du pays, malgré son beau sujet, n'échappe pas à l'étiquetage « fin de carrière mollassonne » de l'acteur, dont le sous-titre de cet épisode serait : Michel découvre la chair à canon colorée.

Et il en rajoute dans le racisme sénile, Michel ! Pas une réplique sobre, pas une once de finesse ! Le cabotinage intempestif de l'acteur est problématique car il amène deux conséquences : 1) pour reprendre une expression connotée de l'époque, il bouffe tout cru le reste du casting, au mieux inexistant, au pire anonant ses répliques. 2) la construction de l'intrigue et sa mise en scène semblent calquées sur son abattage. Ainsi, le surlignage est permanent, de la boîte de Banania aux vinyles de Joséphine Baker et on n'évite pas entre deux situations téléphonées, une description de la France rurale et ripolinée, celles des petits chevaux, des flonflons et du canard empaillé trônant fièrement derrière le zinc du troquet... Ca, c'est pour l'intérieur.

À l'extérieur, on retombe dans un empilage de plans dignes de pubs Herta ou des Enfants du Marais (réalisateur dans les deux cas, Jacques Becker, si si !), où l'on attend vainement au creux des hautes herbes qu'une voix off nous conseille de ne pas passer à côté des choses simples. Au fond, le problème de ces Enfants du pays, est actuel. Parce qu'il appartient à cette catégorie de produits qui ont davantage leur place sur le petit écran : une alternative ronronnante du samedi soir hivernal face à un télé-crochet minable ou les jeux du cirque de Patrick Sébastien. Au cinéma, par contre...

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