Critique : Separate lies

Après avoir disséqué les us et coutumes de la bourgeoisie des années trente dans Gosford Park, Julian Fellowes s'intéresse à sa version contemporaine dans Separate Lies, sa première réalisation. Au cœur de son intrigue : James Manning, homme d'affaires comblé, partageant sa vie entre Londres et la campagne anglaise, lieu de sa résidence secondaire où il passe ses week-ends avec sa femme Anne. Et c'est justement dans ce coin retiré et paisible que leur existence aisée se trouve bouleversée par l'accident du mari de leur gouvernante.

Auréolé d'un Oscar pour son scénario original de Gosford Park, Julian Fellowes surfe à nouveau sur la comparaison plus qu'honorable qui lui fut faite avec Agatha Christie. Maniant à merveille les ingrédients de base de toute bonne intrigue policière, il parvient à transformer un basique « whodunit » en une analyse des comportements humains complexe et savoureuse. Délaissant la galerie de personnages du film d'Altman, il adapte le roman The way through the woods en choisissant son trio d'acteurs avec pertinence. Le jeu de Tom Wilkinson est aiguisé et précis pour un acteur dont le talent étonne toujours à chacune de ses prestations.

La douce Emily Watson s'affirme et s'émancipe avec vraisemblance et Rupert Everett sort enfin de son rôle léger de meilleur ami. La nonchalance et le charme insidieux de son personnage déroutent et participent à cette remise en cause de principes les plus fondamentaux. En seulement 1h26, Fellowes parvient à désarçonner et à perturber un public pourtant confortablement assis dans un fauteuil moelleux. 1h26 de réflexion sur nos propres valeurs et où l'identification fonctionne, changeant d'apparence au gré du film. Un propos d'une exquise finesse posée sous une réalisation académique où tout semble avoir sa place et toute minute son utilité. Une histoire simple de prime abord mise en lumière par un film de qualité, confirmant une fois encore la richesse et l'énergie du cinéma anglais.