Critique : Down in the valley

Erwan Desbois | 20 février 2006
Erwan Desbois | 20 février 2006

Un cow-boy sorti tout droit d'un western avançant à cheval dans une rue parfaitement goudronnée d'un quartier pavillonnaire californien flambant neuf : cette image à la fois incongrue et proposant un raccourci piquant de l'histoire américaine, que l'on retrouve à plusieurs reprises dans Down in the valley, a sûrement été le point de départ du script du réalisateur David Jacobson. L'opposition entre les grands espaces et l'histoire (la conquête de l'Ouest, les ranchs) de la vallée de San Fernando où se déroule l'action d'un côté, et la grande zone urbaine tentaculaire sans âme qu'elle est devenue aujourd'hui, est en effet au cœur du film, via l'affrontement entre une famille dysfonctionnelle et un mystérieux cow-boy qui se fait appeler Harlan.

La vie de Wade et des deux enfants (une fille, Tobe, de 16 ans et un garçon, Lonnie, de 13 ans) qu'il doit élever seul concentre en effet tous les travers de l'existence citadine moderne : ennui mortel des deux ados – que Tobe trompe tant bien que mal en traînant avec des copains qui n'en sont pas vraiment – et impossibilité du dialogue avec leur père, que l'exaspération conduit fréquemment à la limite de la violence physique. Lorsque Harlan déboule dans cette vie morose avec sa nonchalance, son sourire séducteur et son refus des conventions, il ne peut que provoquer l'engouement chez Tobe et Lonnie dont il devient respectivement l'amant et le meilleur ami.

Dans cette première partie qui ne cherche à singer aucun genre ni aucune influence, mais qui se contente d'observer avec neutralité le comportement de chacun, David Jacobson parvient à distiller un trouble fait d'appréhension et de désir. Le mérite en revient au scénario, au rythme lent mais assuré ; à la mise en scène, qui privilégie le plus souvent l'ambiance aux effets de manche. Il revient également aux acteurs : Edward Norton bien sûr, parfait comme toujours avec un de ces rôles qu'il affectionne, dans la zone grise entre séduction innocente et inquiétude diffuse, mais aussi les jeunes Evan Rachel Wood (Thirteen) et Rory Culkin (Mean creek). Sans jamais trop en faire, ces deux-là nous font ressentir la mélancolie de leurs personnages et leur incertitude face aux non-choix de vie qui se présente devant eux : la morne normalité que l'on attend d'eux, et l'impossible fugue qui vous transforme en hors-la-loi.

Comme eux, Jacobson a dans la suite du récit du mal à s'adapter à l'évolution négative de Harlan. Bien que celui-ci se révèle progressivement inapte à vivre en société et devient dès lors de plus en plus dangereux, le réalisateur semble pourtant tout lui pardonner, même ses exactions les plus graves. Face à lui, Wade (David Morse) est trop longtemps cantonné dans le mauvais rôle pour que l'alternative raisonnable qu'il est censé représenter soit crédible. Ce traitement déséquilibré rend le récit moralement ambigu, ce qui nuit au film et annule en partie la grande qualité individuelle des séquences qui accompagnent l'enfermement de Harlan dans son univers fantasmé de western.

Les références évitées dans la première partie affluent alors (La Rivière rouge, La Poursuite infernale), mais de manière très maîtrisée. On regrette d'autant plus amèrement que cette même maîtrise, évidente chez David Jacobson, n'ait pas été mise au service du reste du script, dont la conclusion laisse un goût d'inachevé et d'indécision quant au message transmis.

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