Critique : Un couple parfait

Audrey Zeppegno | 3 février 2006
Audrey Zeppegno | 3 février 2006

Ambiance épurée à l'extrême pour ce film minimaliste qui immortalise les derniers frémissements d'un couple en proie à la crise. Le réalisateur est japonais, le scénario synthétique, la mise en scène emprunte au réalisme à la française ces plans séquences interminables censés capter les variantes les plus infimes d'un quotidien oppressant dont les moindres détails comptent. Un homme, une femme, des années de ronron marital au compteur, des millions de reproches engrangés, l'espoir de pouvoir recoller les morceaux qui s'émousse au gré d'une escapade de la dernière chance, et la perspective d'une séparation comme maigre lot de consolation. Bref, du déjà-vu ; l'exemple d'un déchirement parmi tant d'autres qui confirme la recrudescence des divorces : la validation d'une statistique moderne qui donne un sérieux coup dans l‘aile aux compromis ad vitam aeternam mentionnés dans les saints sacrements du mariage.

Rien de bien palpitant / enthousiasmant en somme : Nobuhiro Suwa nous expose une réalité de plus en plus fréquente dans son plus simple appareil. Cet état de fait, devenu phénomène de société, ce sont Valeria Bruni-Tedeschi et Bruno Todeschini qui l'incarnent. De passage à Paris pour être les témoins de l'union d'un de leur plus proche ami, le prétendu couple idéal peine à jouer le jeu de l'entente cordiale. Au programme de cette immersion prolongée dans un bocal gorgé de rancœurs : quelques plages de silence, entrecoupées d'une salve de joutes verbales ressassant les erreurs passées et les torts partagés. De la révélation de leur rupture imminente à leur cohabitation forcée dans l'espace restreint de leur chambre d'hôtel, de leur sérénité affichée en société à leurs incessants clashs domestiques, de leurs tentatives maladroites de rabibochage à la redécouverte du célibat, le réalisateur dissèque consciencieusement le cadavre de leur vie commune.

L'opération minutieuse n'est pas sans toucher quelques cordes sensibles, mais à force de faire traîner en langueur cette déliquescence annoncée, ce huis clos nous plonge dans un bain anesthésiant dont on a qu'une envie / hâte, c'est de s'extraire, histoire d‘aller prendre / inspirer une grande bouffée d‘air pur. Ne reste plus alors que la prestation de Valéria Bruni-Tedeschi, touchante dans ce rôle de femme désorientée, partagée entre ses relents d'amour tendre et ses pulsions de cruauté.

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