Critique : Antares

Louisa Amara | 21 décembre 2005
Louisa Amara | 21 décembre 2005

Depuis Dog days sorti en 2002, on se méfie des films venant d'Autriche. Pourquoi ? Il semble qu'à l'image des québécois, les autrichiens traversent une période de liberté sexuelle totale, décadente pour certains, bénéfique pour d'autres. À l'image de cette nouvelle mentalité, Götz Spielmann nous surprend dès le début de son film. Le premier quart d'heure d'Antarès est pour le moins déroutant. On ne s'attend pas à des scènes de sexe aussi crues. Il s'explique : « J'ai choisi les acteurs qui m'ont semblé avoir le courage et la curiosité pour ce genre de scènes. Je leur ai dit que je voulais qu'ils aillent aussi loin que possible, sans tabous. (…) les acteurs étaient conscients d'être des personnages […]. Cela vous protège, vous permet de prendre plus de risques. C'est pourquoi les prises étaient en même temps excitantes et vraiment émouvantes. « Excitantes » c'est cela oui… Le réalisateur a pris du plaisir en tournant ces scènes, c'est évident. Plus que le plaisir du cinéaste accomplissant son œuvre, c'est un véritable plaisir de voyeur qui s'assume en tant que tel. On y voit les sexes, les pénétrations (pas en gros plan, quand même, il ne s'agit pas d'un porno, désolé messieurs) sans trucage.

Epurées au maximum, sans musique, dialogues ou voix off, ces séquences créent inévitablement un malaise. C'est ici la vision d'un homme autrichien (précision importante) sur les fantasmes et la sexualité d'une femme : désirs d'exhibitionnisme, de sodomie etc… Il n'en fait pas une généralité heureusement, mais il rend l'identification à son héroïne plus difficile, puisqu'elle ne ressent aucune culpabilité, devant sa fille ou son mari. Mais à travers ses personnages, détestables ou attachants, toujours humains, Spielmann réussit une étude de mœurs au cœur d'une cité dortoir autrichienne, qui n'a rien à envier à nos barres HLM.

Pour donner corps et rythme à cette réflexion, le réalisateur féru de philosophie, construit son film à la manière de Quentin Tarantino dans Pulp fiction. Les personnages se croisent, vivant simultanément leurs histoires. D'abord la femme adultère, puis sa voisine jalouse et suicidaire, et le beauf dans toute sa splendeur. Indéniablement la meilleure partie : ou comment la frustration masculine mène 1) à la bêtise 2) à la violence. Ceux qui ont vu Ghost world se rappelleront avec joie du moustachu fou du supermarché. On a ici son clone, en pire. Le réalisateur choisit de montrer la face cachée de ses personnages évoluant dans un univers aussi étouffant que morne. La sexualité devient une échappatoire et/ou une source de problèmes supplémentaires. Si Götz Spielmann joue un peu la facilité avec la première partie de son triptyque, il est plus juste dans la seconde et surtout la dernière partie.

De par son montage, son point de vue, son originalité, et ses acteurs (tous parfaits pour leur premier film), Antarès reste un film ovni touchant et juste. À voir, et surtout pas uniquement pour les scènes de sexe !

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