Critique : Lonesome Jim

La Rédaction | 15 novembre 2005
La Rédaction | 15 novembre 2005

Parti à New York vivre son american dream, Jim revient dans son patelin natal la queue entre les jambes (l'auteur de ces lignes a bien conscience que l'expression, d'emblée, ne place pas son article au summum de l'élégance, mais c'est quand même la manière la plus juste d'exprimer ce sentiment diffus de honte, d'échec et de désespoir minant dans lequel se trouve notre héros). Pas facile d'avouer que la seule carrière entamée à Big Apple aura été celle de promeneur de chiens. Pas facile non plus de troquer les gratte-ciel de la ville qui ne dort jamais contre les maisons de banlieue à un étage d'une bourgade endormie. Et pas facile encore de se coltiner des parents un peu ploucs, à la face desquels on croyait avoir claqué la porte pour toujours. Pour tromper son cafard, Jim ouvre la porte d'un de ces cafés sombres, déserts, un peu glauques, comme le cinéma ricain en a filmé jusqu'à plus soif.

Là, Steve Buscemi (cliquez sur son nom pour accéder à son interview) semble bien parti pour un remake de son premier long métrage en tant que metteur en scène (le second étant l'assez choc et violent Animal factory avec Willem Dafoe et Edward Furlong) : Happy hour. Cette jolie chronique au parfum mi-gin mi-glace à la vanille avait fait ronronner de plaisir les spectateurs, sans pour autant totalement les caresser dans le sens du poil. Buscemi retrouve en tout cas cette même manière de prendre son temps et de ne surtout pas chercher l'action ou l'événement, et surtout, cette même manière de semer des impressions suffisamment quotidiennes, justes et vraies pour qu'on ait tous l'impression de les avoir ressenties un jour ou l'autre. Hormis le spectateur conquérant qui ne carbure qu'à Kingdom of heaven, n'importe qui peut s'identifier à ce loser de la vie de tous les jours – car qui ne s'est pas senti loser au moins cinq minutes dans sa vie ? À part ça, contrairement à celui de Happy hour, le héros de Lonesome Jim a vite autre chose à faire que de se prendre des cuites. Il est revenu dans son patelin natal pour, comme il dit, faire sa dépression nerveuse, mais ses tracas existentiels ont vite l'air « peanuts » face aux vrais problèmes de sa famille : son frère se crashe en voiture dans un platane et atterrit paralysé à l'hôpital, sa mère est accusée de dealer du crack par FedEx (!), tandis que l'équipe de basket de la petite sœur aligne les scores lamentables.

Des situations gentiment déjantées, mais qui ne s'éloignent jamais trop de ce quotidien cher au réalisateur, une galerie de personnages désespérément provinciaux, vus à travers les yeux de chien battu du héros : Buscemi distille une absurdité qui joue la dérision plus que la satire. Car l'auteur aime ses personnages. Il n'a rien d'un Robert Altman : la satire odieuse, acide, on sent que c'est son tabou, sa limite. Ça allait encore dans Happy hour, qui gardait un point de vue d'ivrogne à la Bukowski (enfin, on va dire un Bukowski comme celui du film Factotum : gentil). Mais là, dès lors que s'en mêle une douce infirmière jouée par Liv Tyler, et qui va, on s'en doute, jouer les planches de salut pour notre héros largué, le surdosage de sirop l'emporte vite sur le faux fond de liqueur. En tant que cinéaste, Buscemi serait incapable de donner le moindre coup de griffe à sa Liv. Il préfère lui offrir un rôle à la Meg Ryan (comme si elle n'avait pas déjà eu droit à ça dans Père et fille). Dommage : ce virage vers la comédie romantique tout sucre tout miel rend le film mignon, mais anodin. Et ne tient pas la promesse de départ, celle d'un film autour de Casey Affleck, frère de Ben, acteur et co-scénariste du Gerry de Gus Van Sant, et qui traîne avec lui tout un blues très Last days. On préférait quand Buscemi s'en tenait au whisky !

Tess Harper

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