Critique : Hannah et ses soeurs

S'inspirant de l'importante fratrie de Diane Keaton, Woody Allen crée une famille de trois soeurs pour assouvir sa fascination de liens qui lui paraissent mystérieux. Il utilise le schéma familial d'Intérieurs pour réaliser une comédie dramatique s'éloignant du tragique étouffant qu'il a déjà exploité. La mère de famille Hannah (Mia Farrow) gère sa relation avec son ex-mari (que joue Woody Allen), qu'elle tente de caser avec sa soeur Holly alors que Lee cherche sa voie dans les bras d'un artiste d'âge mûr. Le cinéaste se plait à dévoiler la vérité d'un foyer cachée derrière une perfection apparente. Il aime faire vaciller les acquis pour remettre en question les valeurs fondant la vie de chacun. La fidélité du mari d'Hannah Elliot semble relative lorsque celui-ci succombe au charme de Lee et que le caractère sacré de la famille perd alors tout son sens. En proie à ces doutes conjugaux, Michael Caine excelle dans un jeu d'une grande justesse primé par un Oscar de meilleur second rôle. Autres oscarisés, Dianne Wiest, figure emblématique de l'univers allenien, et le scénario original de ce portrait de famille.

Le judicieux croisement de ces destins et la finesse des personnages concourent à la réussite d'une histoire dont Mia Farrow est le pilier. C'est la propre mère de celle-ci qu'Allen choisit pour incarner la génitrice d'Hannah. Il ose faire de l'ex-fiancée de Tarzan, Maureen O'Sullivan, une actrice vieillissante en manque de reconnaissance que sa fille prend en charge comme son propre enfant. Malgré ce choix ambigu, le reste du casting est impeccable tant l'alchimie du trio Mia Farrow-Barbara Hershey-Dianne Wiest est palpable. La caméra d'Allen semble s'inviter au repas des soeurs dans le restaurant et pénétrer dans leur intimité. L'osmose est totale, et comme souvent les incidents se passent en coulisse pour mieux laisser place au spectacle de Thanksgiving.