Critique : Be with me

Sandy Gillet | 12 octobre 2005
Sandy Gillet | 12 octobre 2005

Un film traitant de l'incommutabilité en milieu urbain, vous me direz que c'est du réchauffé, et vous n'aurez pas tort. Par contre y mettre les formes ou plutôt la forme en réalisant un film quasi muet, là on ne peut que commencer à être intrigué. Mais si de surcroît à l'écriture teintée d'espoir et de destins tragiques ou non se dessine en filigrane la peinture d'une société en manque d'amour, on se dit que définitivement le dernier film d'Eric Khoo touche à quelque chose de finalement essentiel dans le cinéma contemporain : la réflexion par l'absurde de nos vies de tous les jours.

Alors bien entendu beaucoup préfèreront le vernis cinégénique d'un Collision, ode naïve et surestimée qui se veut l'instantanée d'une société en pleine déliquescence, alors même que Be with me ne manque pas d'un certain maniérisme formel qui le dessert parfois (photo ultra léchée, cadres recherchés souvent à l'extrême, situations kitch …). Mais à la différence du premier film Paul Haggis, Eric Khoo n'en fait pas sa finalité et prend le temps de s'intéresser réellement à ses personnages en leur insufflant un souffle de vie authentique et palpable. Ici c'est un commerçant vieillissant qui vient de perdre sa femme et sombre progressivement dans la solitude et le désespoir. Là c'est un agent de sécurité à l'embonpoint marqué qui a deux amours dans la vie, la bouffe et une femme, cadre supérieure qui travaille dans le même immeuble que lui. S'il peut s'adonner à sa « passion gastronomique » au quotidien, il ne peut qu'admirer la femme de loin. Enfin la troisième histoire est la chronique douce-amère d'une idylle adolescente entre deux jeunes filles.

La gageure tient ici dans cette propension à aller au-delà du film choral tout en se pliant à ses codes les plus stricts. En ce sens que si ces trois histoires vont d'une manière ou d'une autre bien se rejoindre pour le meilleur ou le pire, Eric Khoo les renforce par la présence d'un personnage central en la personne de Theresa Chan qui joue là son propre rôle. Aveugle et sourde elle symbolise à elle seule l'amour, la tragédie et la rédemption qui sont in fine les trois axes thématiques du film. Autour d'elle errent des silhouettes en mal de tout qu'Eric Khoo nous rend compte via de multiples scènes sans dialogue et en usant d'un montage et d'une mise en scène des plus ingénieuses. L'émotion affleure dès lors emportant sans retenue le spectateur vers des contrées cinématographiques assez peu visitées cette année.

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