Quatre frères : Critique

Zorg | 4 octobre 2005
Zorg | 4 octobre 2005

Après le peu reluisant 2 fast 2 furious, il était grand temps pour John Singleton de retourner à des considérations plus dans la veine de ses précédents travaux. Exit la romance sur fond de RnB, envolées les voitures bariolées qui vont vite en ligne droite, on retrouve enfin le réalisateur du mythique Boyz'n'the hood attelé à un polar urbain sur fond de drame social. Prenez deux mesures d'enfance difficile, une louche de mère courage, un truand cruel et tyrannique, un frère aîné endossant la défroque du Justicier, assaisonnez avec de la musique soul et une histoire de vengeance sur fond de corruption, secouez le tout dans un saladier à l'allure d'un Detroit hivernal et prolétaire, et vous obtenez au final un cocktail certes appétissant à l'œil mais un peu moins relevé qu'il en a l'air.

 

 

C'est un problème d'ensemble. La fratrie recomposée souffre d'un léger déficit de crédibilité, les auteurs jettent un regard au mieux idéaliste, au pire simpliste et caricatural sur les problèmes d'adoption d'enfants à l'enfance difficile, l'intrigue policière est un poil trop compliquée, de même que sa résolution laisse sceptique, et la mise en scène est un peu déséquilibrée entre des scènes intimistes dépourvues d'émotion et des scènes d'action hypertrophiées. On peut ainsi sauter d'une scène de dîner de Thanksgiving sur lequel plane le fantôme de la mère assassinée à une poursuite nocturne sous la neige relativement efficace mais donnant réellement l'impression d'être tirée d'un James Bond (l'orchestration de David Arnold, collaborateur de longue date de John Singleton et vétéran des aventures de 007, n'y est pas étrangère). Ou bien on passe d'une fusillade en pleine rue particulièrement sèche à la durée presque disproportionnée à la confrontation entre gangsters dans la pure tradition du cinéma d'exploitation black des années 70, soul music à fond.

 

 

Le tableau n'est pas complètement noir pour autant. Les « gentils » ne sont pas des enfants de chœur, loin de là, et même si l'intrigue n'évite pas certaines facilités malgré tout, notamment au niveau de la confrontation finale qui s'avère un peu « too much » pour réellement enlever l'adhésion, on ne nous inflige pas une morale trop indigeste pour autant. D'autant plus que pour aussi crédible que soit cette famille rapiécée, les comédiens sont plutôt à l'aise dans leurs chaussettes. Mark Whalberg campe les chefs de clan à la mâchoire carrée avec l'aplomb qu'on peut lui connaître, Tyrese Gibson (déjà vu dans 2 fast 2 furious et Baby Boy du même Singleton) joue les gros bras au cœur d'artichaut, Andre Benjamin (Be Cool) est le bon père de famille repenti d'une jeunesse délinquante mêlé à des affaires pas très nettes, et enfin Garrett Hedlund (Troie) est l'ange brisé qui sert de faire valoir aux autres. L'ensemble sonne tout de même un peu creux, tandis qu'en face, on retrouve un Chiwetel Ejiofor (bientôt à l'affiche dans Serenity) plus machiavélique que jamais, bien qu'ayant des goûts vestimentaires discutables.

 

Résumé

John Singleton signe donc un polar hybride décevant, à mi chemin entre le film blacksploitation à la Shaft (qu'il avait déjà lui-même remaké en 2000) et le western urbain à la Friedkin (avec une sacré dose d'influence pour l'histoire du côté du bon western classique qu'est Les quatre fils de Katie Elder), sans pour autant réussir à pleinement assimiler ses références. On ne passe pas un mauvais moment, mais tout cela manque cruellement d'émotion. Tiraillé entre les multiples influences du réalisateur, Quatre frères peine à trouver une réelle identité et finit par souffler le chaud et le froid.

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