Critique : La Spectatrice

Derrière sa beauté angélique et son sourire engageant, Valeria cache un secret inavouable : l'attraction obsessionnelle qu'elle ressent envers son voisin d'en face, inconnu et jamais croisé mais dont elle suit nuit après nuit la vie de célibataire depuis sa fenêtre. Cette obsession occulte chez elle tout autre sentiment ou attachement, et l'empêche de mener une existence normale – à moins que cette chimère ne soit pour elle une manière d'éviter tout engagement sérieux dans la vie. Ainsi démarre La spectatrice, premier film du réalisateur italien Paolo Franchi, qui utilise à bon escient le découpage des plans et le visage diaphane de l'actrice Barbora Bobulova pour mieux rendre palpable l'isolement émotionnel dans lequel vit Valeria.

Tout est en réalité dit dans cette première partie turinoise du film – surtout grâce à l'opposition astucieusement mise en place entre Valeria et sa colocataire délurée, fêtarde et à la vie sentimentale complexe. La suite, qui voit Valeria poursuivre l'objet de son désir lorsque celui-ci déménage à Rome et s'immiscer dans sa vie de couple, n'apporte malheureusement rien. À partir de ce nouveau point de départ en rupture totale avec ce qui a précédé, Franchi se refuse à choisir entre thriller, drame et comédie romantique, et n'offre au spectateur qu'une seconde variation autour de l'inaptitude émotionnelle de son héroïne.

La mise en scène très sèche (peut-être dans le but d'épouser le point de vue de Valeria ?) n'arrange rien à l'affaire, surtout que les quelques effets de style auxquels se risque Franchi sont bien maladroits et trop épars. Reste l'interprétation sans failles du trio d'acteurs principaux, auxquels on doit une très belle scène lorsque Valeria est finalement mise face à ses contradictions. Mais la frustration devant le dénouement en queue de poisson qui suit est encore plus grande que la force de cette séquence poignante, et en annule tous les effets juste avant que les lumières ne se rallument.