Critique : Virgil

George Lima | 4 août 2005
George Lima | 4 août 2005

L'alchimie. Un mot qui colle à ce premier film du prometteur Mabrouk El Mechri. L'alchimie, c'est celle des genres, des interprètes, des musiques, des tons… Pour son passage au long-métrage, le jeune réalisateur, déjà auteur de trois courts, n'a pas choisi la facilité. Entre love story, film de boxe, film de père et d'enfants, Virgil mélange les genres, se rendant inclassable et original.

Certes, quelques blasés ne manqueront pas de comparer, pour la descendre, cette histoire d'amour filial et romantique sur fond de boxe aux autres films du genre. Mais ceux-là n'auront pas su déceler la subtilité de l'auteur. On ne peut nier les bonnes attentions et bons sentiments du récit de même qu'on ne peut en omettre l'adresse et la pudeur. L'histoire d'amour entre Virgil, bourru et tendre, et Margot, sauvage mais attachante rentre-dedans, nous épargne insupportables mièvreries et conte de fée pour se concentrer sur la découverte puis l'apprivoisement de l'autre. Le tout avec beaucoup d'humour via la répartie et le franc parler de la trop rare Léa Drucker, dont le personnage a l'art de mettre des blancs comme personne. L'explication de son comportement réfractaire s'intègre d'ailleurs parfaitement au récit là où elle aurait pu, comme souvent au cinéma, sombrer dans des flots d'hystérie ou de sensiblerie.

Autre couple très marquant du film : celui que forment Jalil Lespert, qui n'avait jamais été aussi juste, et Jean-Pierre Cassel. Deux générations de cinéma et deux tempéraments complémentaires, la meilleure partition revenant à l'ancien dandy du music hall. Ernest, ancienne gloire de la boxe gouailleur, généreux et forte tête, permet à Cassel de composer de manière inattendue. Entendre de sa bouche jurons et réparties fracassantes est tout simplement jubilatoire. Il faut le voir balancer à un handicapé « Né un 4 juillet, mes couilles » ou apprendre sa maladie à un ami : « – J'ai un cancer. – De quoi ? – C'est pourquoi ? Tu fais un sondage ? ». Son duo avec Philippe Nahon, son compagnon de cellule renfrogné, est très cocasse, le débit de l'un compensant le mutisme de l'autre. À noter la scène où ces deux vieux taulards (pas si) usés se payent la classe de foutre une dérouillée à un emmerdeur dans les douches de la prison.

L'autre grand atout de Virgil, c'est de ne pas laisser les seconds rôles sur le bas coté. Rien d'étonnant que Mabrouk El Mechri dise s'inspirer des Soprano pour la caractérisation des personnages, aussi poussée pour les grands que les petits rôles. Références immanquables, Raging Bull et les films de Robert Wise (dont Nous avons gagné ce soir) pour l'aspect « film de boxe », bien que le sport ne soit ici qu'une toile de fond au service des autres récits. Une toile de fond utile puisqu'elle sert également de moteur à la mise en scène. Parfaitement cadencé, le film, malgré le faible nombre de séquences sur le ring, s'orchestre à la manière d'un match de boxe, avec multiples rebondissements et temps de repos nécessaires. Si Virgil est si bien rythmé, c'est aussi grâce à sa bande-son tout droit sortie des seventies (ou d'un film de Tarantino) et à son ton si particulier. Entre parler des Tontons et phrasé actuel de la jeune génération. Un étrange mais savant cocktail qu'on espère retrouver dans le prochain film, une comédie romantique, d'un nouveau talent du cinéma français.
À consommer sans modération !

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