Critique : The Kid stays in the picture

Laurent Pécha | 4 juillet 2006
Laurent Pécha | 4 juillet 2006

Il aura fallu plus de trois ans pour que ce formidable documentaire qu'est The Kid stays in the picture débarque dans nos salles après être passé il y a deux ans au festival de Deauville du cinéma américain. Malheureusement, la sortie estivale au milieu de nombreux autres titres dont le mastodonte film de Spielberg, La Guerre des mondes, risque fort de rendre cette sortie anecdotique. Un beau gâchis en perspective tant le documentaire de Brett Morgen et Nanette Berstein est une magnifique et nostalgique déclaration d'amour à une conception du cinéma malheureusement en totale perdition.

Inspiré par le roman autobiographique de Robert Evans (indispensable dans toute bibliothèque qui se veut cinéphile), The Kid stays in the picture dresse le portrait de ce producteur mythique, sorte de dernier des mohicans d'une race représentant l'âge d'or des studios hollywoodiens. À une époque où produire un film ne se résumait pas à de simples tractations financières comme cela est désormais le cas, Robert Evans a été à l'origine de l'ascension de la major Paramount dans les années 60 et 70. À la tête du studio qu'il revitalisa comme jamais, l'homme imprima sa patte à l'industrie cinématographique mondiale en étant celui qui offrit aux amoureux cinéphiles des œoeuvres aussi marquantes que Le Parrain I et II, Roseramy's baby, Chinatown, Love story, Marathon man ou encore Conversation secrète. Autant de chefs d'œoeuvre ou hits au box-office qui représentèrent pour Evans un immense investissement personnel, allant même jusqu'à détruire sa plus grande « love story » avec Ali MacGraw (un des moments les plus forts et émouvants du documentaire).

Passionnant de bout en bout, très rythmé et même trop court (1h33, c'est peu pour une telle destinée), le film tire magnifiquement parti de la voix off en personne de Robert Evans qui commente les principales étapes de sa vie avec un franc parler jubilatoire. À ce titre, l'évocation de ses altercations avec Coppola lors de la production du Parrain s'avère aussi truculente qu'instantanément mémorable tout en laissant apparaître le poids décisif d'un vrai producteur de cinéma dans le processus de création d'un film. Même si on peut estimer que ce récit à la première personne manque peut être de contrepoint (on aurait par exemple aimé entendre Coppola réagir aux propos assassins à son égard d'Evans), la franchise des propos balaie (presque) tous nos doutes. Evans n'hésite ainsi jamais à critiquer avec lucidité certaines de ses décisions et actes de manière virulente mais sans pour autant oublier son humour communicatif (notamment dans les moments les plus sombres de sa carrière et de sa vie).

The Kid stays in the picture est tout simplement une oeœuvre fascinante et incontournable pour qui aime le cinéma. Avant donc de se précipiter pour voir (à juste titre) les extra-terrestres belliqueux de tonton Steven, précipitez-vous dans l'une des rares salles qui projetteront le film et accomplissez ainsi votre devoir de cinéphile. Impossible que vous le regrettiez !

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