Critique : Avant qu'il ne soit trop tard

Johan Beyney | 26 avril 2007
Johan Beyney | 26 avril 2007

Pour faire un film de potes, prenez, pour la recette de base :

- de six à huit amis (garçons et filles, dont quelques pièces rapportées) unis par de forts souvenirs de jeunesse ;
- des personnages incarnant chacun un caractère ou une spécificité (en l'espèce, nous sommes gâtés : un noir, deux homosexuels, une handicapée, une salope au grand cœur et un clown suicidaire, entre autres);
- une occasion de se rencontrer une dernière fois (ici la vente de la maison de vacances qui abrite leur mémoire de groupe) ;
- des amours contrariées, quelques non-dits, deux-trois plaies encore ouvertes, bref quelque chose qui soit susceptible de remettre en cause l'harmonie de la bande.

Tous ces ingrédients, Laurent Dussaux les a consciencieusement réunis, malheureusement sans réussir à faire prendre la sauce. Car, en l'occurrence, l'une des conditions sine qua non pour que cette dernière prenne, c'est de faire en sorte que le spectateur croie à cette histoire d'amitié. Or ça n'est pas le cas.
Les personnages, toujours dangereusement proches de la caricature, sont tellement différents qu'ils semblent eux-mêmes étonnés de se retrouver à la même soirée. Dès le départ, le réalisateur ne leur laisse pas le temps de se retrouver, de nous montrer à quel point leur attachement est profond et sincère. En déballant d'emblée sur la table tous les petits secrets et les menues frustrations que dissimulent ses protagonistes (tous dépressifs ou névrosés, sans exception), il nous ôte l'envie de croire à cette histoire d'amis que l'on sait déjà vouée à la déliquescence. A partir du moment où l'on ne s'inquiète pas de l'avenir des personnages, l'intérêt que l'on porte au film en prend un sacré coup...

De la cuisine de Laurent Dussaux aurait cependant pu sortir une comédie honorable si les dialogues – qui en cherchant à faire dans le percutant frisent parfois la vulgarité – n'étaient pas servis par des acteurs moins que convaincants. Si les filles s'en sortent mieux (attention, hormis l'excellente Elodie Navarre, il n'y pas de quoi fouetter un chat non plus), le casting masculin laisse perplexe. Olivier Sitruk, au jeu affreusement théâtral, et Frédéric Diefenthal (qui fait preuve d'une surprenante constance dans la médiocrité) tirent largement la couverture à eux parmi les membres de cette terne distribution. Seuls Eric Savin et Manuel Blanc s'en sortent avec les honneurs, mais leur talent paraîtrait ici presque déplacé.

Le cinéma c'est comme la cuisine : on a beau suivre scrupuleusement la recette, ce qu'il y a dans l'assiette ne ressemble jamais à la photo du bouquin.

Résumé

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