Critique : Shall we dance ? - La nouvelle vie de Monsieur Clark

Patrick Antona | 21 avril 2005
Patrick Antona | 21 avril 2005

Il est désormais acquis que les grands patrons des Majors américaines ont les yeux de Chimène pour tous les succès qui viennent d'Asie. Après la vague des spectres aux cheveux sales (The Ring, The Grudge) et en attendant le remake de Infernal Affairs que nous concocte Martin Scorsese, c'est un des plus grands succès nippons des années 90, Shall we dance ?, qui se voit passé à la moulinette de Hollywood. Qu'en reste-il au demeurant ? Si le concept même du film (un cadre supérieur malheureux retrouve le goût de vivre grâce à la danse) n'a pas été modifié d'un iota, et que le film, au niveau des péripéties, est à l'identique de son modèle, il faut reconnaître que les promoteurs du remake américain ont tout mis en oeuvre pour valoriser le couple Richard Gere / Jennifer Lopez.

Et c'est là que le bas blesse, car d'alchimie entre les deux stars, il n'y en a pas ou alors très peu. Seule la scène de « tango » romantique entre les deux tourtereaux arrive un tant soit peu à nous émouvoir (à moins que cela soit la sensualité immanente et naturelle de la « latino girl » qui soit enfin mise en avant). Entre une Jennifer Lopez qui adopte un air compassé pour montrer qu'elle joue bien un rôle dramatique et Richard Gere qui cligne des yeux pour indiquer qu'il exprime des regrets (technique qu'il maîtrise très bien depuis Pretty Woman), heureusement que Susan Sarandon est là pour apporter ce petit supplément d'âme qui évite au film de sombrer dans la guimauve la plus totale. Dans le rôle de l'épouse croyant que son mari entretient une liaison avec une autre femme, et qui emploie un détective afin de découvrir ce qu'il en est (rôle existant déjà dans le film japonais), elle est, comme d'habitude, épatante et, par là même occasion, plombe un des moteurs du film : comment un homme peut-il être aussi malheureux avec une femme pareille à ses côtés ?

Car si le film original arrivait à nous faire ressentir le pathos du « salaryman » japonais, coincé dans une vie entièrement axée sur le travail et étouffée par la pression sociale, la transposition de cette crise psychologique dans le monde des cadres supérieurs US s'avère à l'arrivée un peu malaisée. Alors pour développer de manière plus convaincante l'idée que la danse va apporter l'émancipation, un casting de seconds rôles attachants apportent la touche de sympathie et de comique de situation nécessaire (les scènes d'apprentissage) pour permettre au spectateur d'adhérer au propos. Et même si le film tombe à nouveau dans l'un des travers du cinéma américain de ces dernières années, à savoir disposer d'un obèse et d'un homosexuel refoulé pour rentrer dans les quotas propres au politiquement correct, il faut reconnaître que les comédiens (de la pétulante Lisa Ann Walter à un Stanley Tucci dans un registre un peu surprenant) font leur boulot de manière plus que correcte, et que les scènes de l'école de danse arrivent à dynamiser un film qui à tendance à s'égarer de temps en temps.

Finalement, si La nouvelle vie de monsieur Clark reste confiné dans un domaine trop prévisible, n'arrivant pas à égaler son modèle, et qu'à trop vouloir faire reposer l'intrigue sur l'attirance supposée de son couple vedette (coucherons / coucherons pas ?) empêche l'exploitation du pitch de base, on peut toutefois prendre un peu de plaisir aux péripéties de la troupe de danse entourant une Jennifer Lopez un peu trop effacée et un Richard Gere un rien palot (on sait que les fans du sieur seront conquises d'avance), et apprécier un dénouement certes attendu, mais qui, par la présence de Susan Sarandon, peut être ressenti comme un moment de grâce.

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