Critique : Dig !

Johan Beyney | 4 avril 2005
Johan Beyney | 4 avril 2005

Drugs, sex and rock n'roll ! C'est bien ce qu'on aurait envie de crier à la vision de ce Dig ! profondément teinté de ce vieil adage du rock seventies (mais n'y allez pas pour le sexe, vous seriez déçus). Ouverture psychédélique, alternance d'images noir et blanc/ couleurs, grain cracra et couleurs sales, le film lorgne d'ailleurs sans équivoque vers une imagerie rock, à l'image de ses sujets.

[img_left]antoncourtney.jpg [/img_left]Dig ! suit sur sept ans l'ascension de deux groupes résolument décidés à révolutionner le paysage musical américain : d'un côté les Dandy Warhols et leur leader Courtney Taylor, de l'autre The Brian Jonestown Massacre et sa tête pensante Anton Newcombe. Et autant dire que la documentariste Ondi Timener a eu le nez creux quant au choix de ses protagonistes. Au-delà d'un simple regard sur le rock contemporain, la vision de ces parcours parallèles amène à réfléchir sur les notions de créativité, de compromis, de talent.

Si les deux groupes se vouent au départ de l'aventure une admiration sans bornes, l'évolution de leurs relations en dit long sur les affres de la création musicale. Passant du respect au mépris, de la jalousie à la détestation, les rapports entretenus deviennent le reflet de la situation de chacun. Le succès pour les uns, la longue et irrémédiable descente aux enfers pour les autres. La clé de voûte de ce road-movie documentaire est la personnalité de chacun des leaders. Courtney Taylor, dandy de son état, est un élève appliqué, travaillant laborieusement dans l'espoir de réussir. Anton Newcombe est quant à lui un génie mégalomane, capable d'écrire quatre albums en un an mais incapable de ne pas saborder toute chance d'accéder au succès qu'il mérite. L'un porte des T-Shirts moulants et affiche une moue séductrice, l'autre porte chemises indiennes et rouflaquettes et n'hésite pas à bastonner un musicien maladroit ou un public qu'il considère inattentif. Les uns voguent vers le succès, les autres s'enfoncent petit à petit dans une spirale auto-destructrice. Bref, si les uns font du rock n'roll, les autres sont rock n'roll. Bien évidemment, c'est à ces derniers que l'on s'attache, et Ondi Timener a également bien du mal à ne pas montrer que sa préférence va davantage au vilain petit canard intègre qu'au joli cygne à qui tout semble réussir. Elle a pourtant l'intelligence de ne pas se montrer partiale : certes on peut reprocher aux Dandy Warhols quelques compromissions, mais la folie autodestructrice de Newcombe est loin de justifier qu'on en fasse une légende. Construit sur une évidente misère sociale et affective, nourri à la drogue, parfaitement asocial, on ne voit en lui qu'un génie pathétique. Un gâchis.

Alors, qui a raison dans cette histoire ? Ondi Timener bien sûr, qui nous offre un documentaire intelligent et sensible, drôle et désespéré sur la comédie humaine. Et du rock à vous donner envie de faire des répèt' dans un garage. Bien qu'évidemment actuel, le film en parviendrait presque à nous plonger dans une certaine nostalgie pour cette époque où les légendes existaient encore.

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