Critique : Les Gens honnêtes vivent en France

Johan Beyney | 17 février 2005
Johan Beyney | 17 février 2005

Après un premier film en 1984 (Adieu blaireau, avec Annie Girardot et Philippe Léotard), Bob Decout s'était consacré à la réalisation de documentaires pour la télévision et à la mise en scène théâtrale. Il revient cette année afin de présenter Les gens honnêtes vivent en France, une comédie de moeurs censément cinglante sur le pouvoir et ses attraits.
Aurore, une femme d'affaires influente, séduit un député en vogue afin de mettre en oeuvre ses ambitions secrètes. Pour pallier son inculture, elle se sert de Rodolphe, modeste employé de bibliothèque municipale et éperdument amoureux d'une jeune femme fantasque, Agnès, qui n'entend pas ses appels du pied.

Forcément, la femme d'affaires est ambitieuse, autoritaire, cynique, ignare et odieuse.
Forcément, l'homme politique est lâche, combinard et corrompu.
Forcément, Rodolphe est pauvre, cultivé, pétri de bons sentiments et persuadé que les idées peuvent changer le monde.
Forcément, Agnès, sous ses allures de fan des années soixante (elle vit dans un appartement kitsch décoré d'une collection de poupées Barbie et de lampes en peau de panthère, et porte une choucroute grotesque que Sheila elle-même aurait désavouée à sa période de gloire) est en réalité fragile et meurtrie..
Et forcément, Victoria Abril est celle qui use de son autorité et de sa libido pour réussir, Bruno Putzulu est le jeune idéaliste naïf, et Hélène de Fougerolles la godiche au cœur fébrile. Pas de risque de se tromper donc, toute audace de contre-emploi d'acteurs étant écartée d'office.
Or, quitte à jouer des personnages aussi caricaturaux, on aurait aimé que les acteurs fassent dans la surenchère, dans l'excès. Mais Bob Decout semble croire que ces personnages peuvent être crédibles s'ils sont joués avec sincérité. Première erreur. Ils y perdent au contraire tout leur – potentiel – intérêt.

S'enchaîne alors une kyrielle de scènes vues et revues, agrémentées de dialogues plats et trop entendus. La « charlotte parmentière » préparée par Agnès vous renverra au « diplomate » cuisiné par Rachel dans un épisode de Friends. La litanie sur les mérites respectifs des petits algériens, vietnamiens ou colombiens comme candidats à l'adoption rappellera une scène fameuse de La crise de Coline Serreau, l'humour et le second degré en moins.
On croit voir pointer une lueur d'espoir lorsque le récit nous transporte finalement en Colombie. Malheureusement, la bande originale se transforme aussitôt en musique de fond de bar cubain et l'on se met à baigner dans une lumière de perpétuel coucher de soleil. On comprend alors que de Paris à Bogota, les défauts du scénario sont restés les mêmes. Certes, le pays filmé ne répond pas au cliché pauvreté/trafic de drogue, mais la vision d'un orphelinat catholique où des adoptants néo-bab en tongs chantent Jésus au son de la guitare effraie tout autant.
Après tout ça, la scène finale – tout aussi surprenante qu'elle soit – donne le coup de grâce en faisant définitivement sombrer le film dans le ridicule et le spectateur dans le désarroi le plus total.

Bob Decout souhaitait faire une bonne comédie politiquement incorrecte, il a réussi un mauvais film poujadiste.

Retrouvez l'interview du réalisateur en cliquant ici.

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