Critique : Innocence

Julien Welter | 12 janvier 2005
Julien Welter | 12 janvier 2005

Borderline, Innocence, le premier long de la réalisatrice du moyen La Bouche de Jean-Pierre, l'est à tous les niveaux.
Maîtrisant parfaitement son univers, le nimbant d'une lumière naturaliste et d'une ambiance sonore dépouillée de toutes musiques, Lucile Hadzihalilovic mène son récit sur l'éducation d'une poignée de jeunes filles avec une grande simplicité. Jeux d'enfants, découverte du corps et prémices de la société par le groupe forment une gamme de naïfs évènements toutefois constamment menacés. La réalisatrice institue en effet à son récit l'inquiétante étrangeté freudienne dont se délecte David Lynch. Bref rappel, l'efficacité du principe vient du décalage de seulement quelques éléments, et ici ils sont narratifs : le cercueil, les représentations, les rites de passage, le lieu et d'autres que l'on ne citera pas pour ne pas dévoiler le peu de surprises que réserve le film. L'étrangeté des rites en premier, la claustrophobie du dispositif ensuite, la permanence du danger par le cadrage, enfin, contrebalancent constamment la guillerette évocation des sensations de l'enfance.
L'histoire, naviguant de façon naturaliste autour de ce pensionnat aux rites étranges, force alors le spectateur à se frayer un chemin en eaux troubles. Notamment parce que son film précédent abordait ce thème, la pédophilie s'insinue doucement dans l'esprit du spectateur par le duo qu'il forme finalement avec la menace, instituée par le cadrage et le regard porté sur les jeunes filles. La mise en scène laisse en effet le soin à l'audience, par l'absence totale d'aspect conclusif dans son récit (par exemple, un gros monstre qui aurait dédouané tout le monde de ses sensations), de construire sa propre incarnation de la menace. C'est ainsi que le spectre de la pédophilie se balade, d'une façon coupable et dérangeante puisqu'il est dans ce rapport de soi à l'image.
Cette proximité n'a alors rien de plaisant, et les petites joies de l'enfance qui faisaient partie intégrante de la volonté de la cinéaste s'évaporent rapidement. Difficile d'en ressortir enthousiasmé comme après un bon vieux slasher qui trucide de l'adolescente seins nus, puisque les sentiments d'oppression et de dérangement permanents marquent durablement. La preuve sûrement d'une réalisation sans failles.

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