Critique : Infernal affairs

Fabien Braule | 31 août 2004
Fabien Braule | 31 août 2004

Présenté cette année au festival du Film policier de Cognac, Infernal Affairs aura marqué l'année cinématographique 2002 en Asie, générant le plus grand nombre de recettes au box-office chinois.

Porté par ses deux acteurs vedettes, Andy Lau (Fulltime Killer) et Tony Leung Chiu-Wai (In the mood for love), le succès du film des cinéastes Andrew Lau (co-réalisateur, scénariste et directeur de la photographie sur le film) et Alan Mak n'a pourtant rien d'un hasard. Il mélange avec plus ou moins de réussite tous les motifs postmodernes du cinéma contemporain, et allie avec une certaine réussite l'univers froid et contemplatif de Michael Mann à celui d'un Tony Scott de moyenne forme, Ennemi d'État en tête. Dès lors, il n'est pas surprenant de saisir aussi bien les qualités que les limites de Infernal Affairs, et d'en regretter profondément ses facilités de mise en scène.

Car s'il s'agit avant tout d'un bien curieux melting-pot, force est de reconnaître la puissance formelle du film, lorsque celui-ci lorgne du côté de chez Mann, les cinéastes mettant à profit, avec virtuosité, une ville de lumières. L'ambiance épurée de tout sentiment humain, tel un monde en pleine métamorphose, laissant à la lumière du jour, rassurante, une odeur inquiétante de mort sous celle de la lune, s'affirme comme une vraie transposition de l'univers du cinéaste californien, cherchant une beauté plastique dans un monde artificiel, fait de bitume et de lumières électriques. Sans doute grâce à cette envie de faire de Infernal Affairs une œuvre universelle, influencée par les codes cinématographiques américains, les deux cinéastes réussissent là où finalement la comparaison tenait du miracle, et, à l'inverse, échouent dans leur approche trop formatée d'un cinéma populaire outre-atlantique, échappant plus que de raison à toute subtilité. De cette cassure entre deux esthétiques, deux influences, c'est une partie du film qui en souffre, reléguant à la grâce la lourdeur d'un cinéma à la mise en scène trop appuyée. D'un western urbain, jouant sans commune mesure sur un face-à-face de légende à la manière de Heat, Andrew Lau et Alan Mak tentent d'apporter au film un semblant de thriller technologique qui frôle l'indigestion, en dépit de ses 25 premières minutes, puissantes et savamment orchestrées autour des moyens de communications.

Il succède à la psychologie et au suspense un regain d'esbroufes visuelles qui n'avait pas lieu d'être ici. Entre ses travellings à 360°, ses filtres cramoisis ou verts, c'est toute l'influence de Michael Mann qui est mise à mal, poussant ce jeu de filature dans sa seconde partie à un simple ersatz typique d'une production Jerry Bruckheimer. À trop vouloir donner au film un possible succès en dehors de ses frontières, c'est toute la mise en scène et la bonne tenue de l'œuvre qui en pâtissent. Pourtant, qu'il s'agisse des deux acteurs principaux ou bien des seconds rôles, la direction d'acteurs reste l'un des points les plus positifs du film. Eric Tsan est tout simplement impérial en mafieux, délivrant un jeu qui allie à la subtilité une énergie sans équivoque. De cette rencontre entre Andy Lau et Tony Leung Chiu-Wai naît un jeu de cache-cache subtil, qui trouve son aboutissement lors d'un final sublime sur les toits d'un Hong Kong magnifié par la photographie de Andrew Lau. Les nuages et le ciel se confondent dans une pureté immuable, délaissant, le temps d'un dernier face-à-face, la noirceur de la nuit et son invitation à l'enfer.

Infernal Affairs n'est pas le chef-d'œuvre escompté, la faute à une mise en scène trop hésitante et à un montage qui pêche par son manque de rigueur, son trop-plein d'effets et de flashs en tout genre. Faisant d'ores et déjà l'objet d'un remake aux États-Unis, c'est avec une impatience fébrile que l'on s'imagine déjà voir sur grand écran la version réalisée par Martin Scorsese. Nul doute qu'avec ce dernier, un tel scénario prendra une toute autre envergure, notamment grâce à son montage, expérimental comme à l'accoutumée.

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