Dumb Money : critique des louveteaux de Wall Street

Antoine Desrues | 1 décembre 2023
Antoine Desrues | 1 décembre 2023

En 2020, en plein cœur de la crise du Covid, une petite histoire improbable a secoué Wall Street. Alors que plusieurs fonds d’investissement ont misé contre les actions de la société GameStop, des utilisateurs de Reddit ont acheté des parts, jusqu'à faire plier les milliardaires derrière ces fonds d’investissement. Très vite, Hollywood s’est emparé de ce “David contre Goliath” fantasmatique avec Dumb Money, réalisé par Craig Gillespie (Moi, Tonya) et porté par un casting cinq étoiles (Paul Dano, Seth Rogen, Peter Davidson, Shailene Woodley...).

la bourse ou la vie

En débutant son film sur une villa vide, Craig Gillespie instigue dans Dumb Money une ironie qui s’exprime en premier lieu par l’espace. L’idée est déjà amusante, puisqu'elle contraste un réel tangible à un univers de la bourse devenu totalement virtuel et abstrait, malgré la réalité concrète de ses conséquences.

Alors qu’il court jusqu’à son ordinateur dans son immense habitation, Gabe Plotkin (Seth Rogen) fait pourtant du sur-place. Il ne peut en aucun cas stopper le mouvement de résistance qui est en train de lui valoir sa fortune. Ce que Gillespie traite cinématographiquement, c’est une marche du monde capitaliste, machine tellement gigantesque et inhumaine qu’il faut trouver des chemins de traverse pour l’illustrer. Son montage, moins démonstratif qu’il n’y paraît, s’amuse de ses parallèles plus ou moins évidents. Pendant que Plotkin sprinte vers la banqueroute, Keith Gill (Paul Dano), lui, fait des tours sur une piste d'athlétisme, sachant dans quelle direction aller, à savoir contre le vent.

 

Dumb Money : photo, Seth RogenUne mise en scène maline

 

Bien évidemment, Dumb Money a surtout pour lui l’ampleur insoupçonnée de son histoire. Au travers de sa chaîne Twitch, Gill, alias Roaring Kitty, n’a cessé d’expliquer à quel point les actions de GameStop (l’équivalent de Micromania Outre-Atlantique) lui semblaient sous-évaluées, malgré l'évolution d’un marché du jeu vidéo lui aussi dématérialisé.

Ironiquement, sa nostalgie pour une enseigne qui s‘est toujours vendue sur un sens de la communauté l’a amené à créer la sienne autour du subreddit WallStreetBets. C’est alors que le film connecte par ses vignettes le parcours de ce personnage lambda (casting parfait de Paul Dano pour capter la normalité touchante de ce père de famille) et celui d’un échantillonnage varié des gens qu’il a su motiver à s’engager dans cette aventure folle.

 

Dumb Money : photoPetit Fall Guys suivi d'une session stats sur Excel

 

twitch Better have my money

On pourrait reprocher au film une forme de naïveté méritocratique (ceux qui ont pris les bons risques sont récompensés), mais Dumb Money se rattrape par la simple réalité d’un système économique et boursier cassé de l’intérieur, contrôlé par ceux qui en profitent le plus. Tandis que Keith Gill martèle le besoin de voir Wall Street redevenir démocratique (on aurait presque envie de le croire), l’affaire autour de GameStop révèle un fossé social de la taille du Grand Canyon, où l’avenir d’une bonne partie des Américains est conditionné par les dettes familiales ou les prêts étudiants.

Dès lors, le montage stylisé du film n’a pas besoin d’en faire des tonnes, même si sa retenue finit de jouer contre lui. En effet, difficile de ne pas voir dans Dumb Money l’influence d’Adam McKay, et en particulier de The Big Short, sans jamais que Craig Gillepsie n’atteigne l’équilibre à la fois comique et tragique de son modèle.

 

Dumb Money : photoSebastian Stan est particulièrement savoureux en entrepreneur teubé

 

Néanmoins, on saura lui reconnaître de se poser les bonnes questions, à commencer par la pédagogie nécessaire pour expliquer les tenants et aboutissants du scénario. Après tout, le long-métrage repose sur la compréhension de deux langages distincts et opposés : celui de la bourse et de ses terminologies imbitables, et celui d’une certaine culture du web, à l’origine de cette mini-révolution.

Sur ce point, Dumb Money mixe intelligemment les deux, et mêle au passage le meilleur de la filmographie d’un cinéaste mésestimé. Derrière le côté mordant et piquant de Moi, Tonya, Gillespie n’en oublie jamais une certaine tendresse pour ses protagonistes et leur quotidien, déjà présent dans Une fiancée pas comme les autres. Peut-être même qu’au fond, son dernier-né a le mérite de son humilité, en accord avec les héros ordinaires de cet épiphénomène médiatique.

 

Dumb Money : affiche

Résumé

S’il se perd un peu dans sa vision réductrice d'un capitalisme démocratique, Dumb Money est à son meilleur lorsque sa simplicité met en valeur ses personnages comme allégorie d’un système américain brisé de l’intérieur.

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commentaires
John Spartan
01/12/2023 à 22:19

J'ai découvert l'affaire grâce à la chaine youtube "What a Fail !", et je dois dire que ce film s'en sort plutôt bien.
Une très bonne surprise.

@tlantis
01/12/2023 à 19:03

Plaisant mais un The Big Short du pauvre sans le génie .
Et c la ou tu remarque que un film con entre les mains de fincher et sorking devins du génie ( merci social )

Saiyuk
01/12/2023 à 17:31

Beaucoup aimé Moi Tonya, le casting était en feu et l'histoire plutôt bien amené, heureux de voir qu'il refait appel a Sebastian Stan (qui pour le coup s'en sort pas trop mal genre post MCU n'est-ce pas la rédac ?) ,quand a Paul Dano et D'onofrio ils n'ont rien a prouver depuis longtemps, rien que pour cela faut que je le voit...

Fou Dubulbe
01/12/2023 à 16:21

Un film qui n'a absolument rien d'intéressant à dire sur un sujet pourtant fascinant.

Hank Hulé
01/12/2023 à 15:33

Petit film sympathique mais anecdotique.

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