Freelance : critique arrête ton John Cena-ma sur Amazon Prime Video

AMAZON PRIME CENAMA

Ah, les années 80. Cela fait longtemps qu'on ne s'en était pas inspirés (non) pour tenter d'en tirer quelque chose. Vous vous souvenez de Piège de cristal, Commando ou bien True Lies ? Hé oui, on n'en parle jamais de ces films (si). Et si on essayait (encore) de ressusciter cette sensation de l'époque où on pouvait dézinguer à tout va et s'en payer une bonne tranche avec une bonne grosse star extrêmement musclée et sa partenaire sexy, mais qui a du caractère ?

Duo de choc

Voilà en somme le projet de Freelance, qui envoie un ancien des forces spéciales (incarné par un John Cena cabossé) protéger une journaliste trop téméraire dans la jungle du Vénézuéla d'un pays pétrolier d'Amérique du Sud fictif avec un drapeau rouge jaune et bleu, gouverné par un dictateur excentrique et inhumain. Et c'est tout. Pas de sous-texte, pas de commentaire, pas de démarche particulière, juste un cahier des charges comme au bon vieux temps béni des colonies, et une sacrée flemme.

Mais la flemme parfois, c'est bien. C'est rassurant quand on a soi-même la flemme pendant un dimanche hivernal pluvieux. Nous-mêmes n'aurions pas dit non à la flemme, si seulement Freelance n'était pas emballé avec l'élégance et l'inventivité du petit papier dans lequel on vous enveloppe gentiment le jambon beurre acheté à la gare. Un petit papier qui ne sert à rien, mais comme vous êtes polis et que c'est dur pour tout le monde en ce moment, vous pousse à dire un faible "merci" à l'employé, tandis qu'il vous répond "de rien" la larme à l'œil avant que vous ne vous sépariez, tous deux conscients de l'hypocrisie de cet empaquetage qui n'a même pas l'utilité d'embellir un peu votre sandwich générique.

Seigneur Dieu que cette lumière est moche

Y'A PAS PHOTO

La présentation de Freelance est du même ordre : moche et inutile. Mais fallait-il vraiment attendre autre chose de la part d'un yes-man embauché par un studio aussi énorme (et donc rigide) qu'Amazon Prime Video, et en particulier de la part du réalisateur de Taken entre tous les yes-men que compte Hollywood ? Personne ne sera dès lors surpris d'apprendre qu'aucune des nombreuses scènes d'action qui composent le film ne parvient à emporter grâce à un visuel marquant, un suspense quelconque, un rythme quel qu'il soit. La caravane passe, et nous regardons d’un œil distrait, spectateurs transformés en vaches neurasthéniques.

Ce qui étonne en revanche, c'est le manque total d'idées de scénario et de péripéties. D'habitude avec ce genre de machin pondu à la chaîne type Red Notice, Sans aucun remords ou The Gray Man, le point de départ est suffisamment original pour au moins faire illusion pendant 20 minutes. Mais ici tout s'effondre dès le montage d'introduction à la GoPro, puisque le concept de Freelance se résume à : John Cena est un garde du corps... bah freelance quoi. Waouh. On espère que vous ne vous êtes pas fait mal en tombant de votre siège face à tant d'exotisme.

Rare image de rédacteurice en projection presse

S'en suit fort logiquement une succession de scènes vues et re-re-re-revues, parodiées 1000 fois depuis Hot Shots ! 1 et 2, de la fusillade en voiture à la révolte populaire contre le tyran, de l'échange de moqueries cruelles dans une situation désespérée à la séduction torride dans une cellule de prison, en passant par les méchants de cartoons avec rire machiavélique en sus. Tout cela arrosé de quelques gerbes de sang pour essayer de se donner de la personnalité, mais qui ne parviennent pas à faire de Freelance un film plus vilain (ou plutôt moins inoffensif) qu'un Dwayne Johnson movie tout ce qu'il y a de plus lambda.

Attention ça éclabousse 

JOHN, SON OF JOHNSON

Ce qui nous amène à la véritable question de fond que pose Freelance : y'a-t-il vraiment un potentiel pour John Cena en meneur à l'écran comme il y en a eu un pour Dwayne Johnson ? En regardant la filmographie du catcheur devenu acteur, et après avoir vu Freelance, on ne peut que constater que le doute est permis. Et on se voit tout autant obligé de dire que pour The Rock, personne ou presque n'y croyait non plus au début. Il faut se rappeler que c'est Fast & Furious 5 qui l'a rendu bel et bien célèbre au sein d'un casting d'ensemble. Peu de gens s'en souviennent (tant mieux pour eux), mais avant cela il lui a fallu passer par Doom, Le Roi Scorpion, Fée malgré lui ou Voyage au centre de la Terre.

Pour en revenir à John Cena, celui-ci n'a même pas encore tout à fait mis un terme à sa carrière de catcheur et, à bien y regarder, ne se consacre sérieusement au cinéma que depuis 2021, première année où il est apparu dans plus d'un film par an dans un rôle d'importance avec The Suicide Squad et Fast & Furious 9. Tout cela pour dire que si John Cena ne convainc vraiment pas avec Freelance, il a toujours le temps de devenir le nouveau Dwayne Johnson. Mais à une condition : comme ce dernier, il va falloir apprendre à s'entourer, et surtout, à entretenir une alchimie avec ses partenaires de jeu.

On est censés avoir chaud, on a eu très froid

C'est assez rare que ce soit le cas pour un film qui mise surtout sur l'action, mais de tous les nombreux défauts de Freelance, le pire est sans doute la dynamique entre Alison Brie et John Cena, si glaciale qu'on jurerait avoir découvert la parade au réchauffement climatique.

Le principe du duo que tout oppose trouve ici une traduction particulièrement tendue, du fait de l'absence totale de complicité entre deux stars qui n'ont pas l'air de s'amuser une seconde. Et lorsqu'elles se retrouvent accidentellement cul et seins nus, l'embarras de cette situation comique archi-typique provoque moins le rire défensif espéré qu'une certaine gêne, venant alimenter d'autant plus notre envie de détourner le regard de Freelance.

Freelance est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 28 novembre 2023