Wish : Asha et la bonne étoile - critique de la mort de Disney

Déborah Lechner | 29 novembre 2023 - MAJ : 29/11/2023 11:20
Déborah Lechner | 29 novembre 2023 - MAJ : 29/11/2023 11:20

Depuis la reprise en 2021, Disney peine à se réimposer au cinéma avec ses films d'animation. Après les résultats tièdes d'Encanto et ceux plus catastrophiques encore d'Avalonia, l'étrange voyage, le 62e Classique baptisé Wish, Asha et la bonne étoile a la lourde tâche de ramener ENFIN le public en salles, en plus d'honorer les 100 ans de la compagnie aux grandes oreilles. Malheureusement, le long-métrage réalisé par Chris Buck et Fawn Veerasunthorn promeut davantage le suicide assisté du studio que son anniversaire. Attention : spoilers

Rêve et rance 

Disney a 100 ans, et ça se voit. Le célèbre studio a beau s'être constitué un joli patrimoine, il n'a pas échappé aux premiers signes de vieillesse : perte de poids dans l'industrie, douleurs chroniques au box-office, fragilité osseuse et risque de fracture élevé, sans parler de ses problèmes d'équilibre et de sa myopie qui l'empêche de voir au loin. Mais à l'occasion de son centième anniversaire, le doyen de l'animation a voulu prouver qu'à défaut de pouvoir avancer sans trébucher, il a encore toute sa mémoire

Wish, Asha et la bonne étoile a donc été pensé comme un immense hommage au catalogue de Classiques et surtout comme une histoire originale "à l'ancienne", reprenant les codes et caractéristiques des films de princesse qui composent aujourd'hui encore une large partie de l'héritage de Disney. Tout ça en enchaînant les références plus ou moins drôles et assumées aux précédentes oeuvres de la compagnie, de Blanche-Neige à Zootopie, en passant par Bambi, Mary Poppins ou Robins des bois.

 

 

 

pourquoi Disney nous met en colère

 

De fait, au-delà du titre qui renvoie à la chanson "Quand on prie la bonne étoile" de Pinocchio devenue l'hymne de la firme, tous les ingrédients old-school sont réunis  un livre de compte conte ouvert, une reprise de "il était une fois" en voix-off, un royaume imaginaire avec un immense château, une simili-princesse qui parle aux étoiles et fait trop de vocalises, un méchant sorcier, des bestioles mignonnes et des babioles qui brillent. Ce qui ne veut pas dire que la recette fonctionne encore.

Après plusieurs crises artistiques et commerciales, Mickey a clairement pour objectif de remonter sur son trône et réenchanter son royaume à travers cette histoire symbolique censée refléter la dure réalité à laquelle le studio est confronté aujourd'hui. Mais à empiler sciemment les clins d'oeil éborgnés et à recracher des clichés rances sans chercher à leur faire prendre de la hauteur, le film est fatalement ce que Disney pouvait faire de plus désenchanté et quelconque.

 

Wish - Asha et la Bonne Etoile : photoAsha la vista, Disney

 

LE Détour du roi

Wish prend place à Rosas, un lieu faussement idyllique gouverné par un roi mégalo qui dépossède les habitants de leurs souhaits les plus chers pour les protéger et éventuellement les exaucer un jour avec sa magie. De son côté, le grand-père d'Asha est sur le point de fêter ses 100 ans (vous avez la ref ?), mais son voeu d'inspirer les générations futures n'a jamais été réalisé, ce qui pousse sa petite fille à le récupérer pour lui permettre de le faire lui-même.

Mais si Star, l'étoile tombée du ciel qui fait parler les animaux et danser les fleurs, a tout l'air de symboliser "la magie de Disney" retrouvée, il est plutôt tentant d'associer Disney au roi Magnifico. Ce grand manitou pragmatique prend en otage les aspirations et rêve de ses sujets pour son propre intérêt, phagocyte l'ambition et considère comme dangereux tout ce qui pourrait remettre en question son hégémonie.

 

Wish - Asha et la Bonne Etoile : photoMeilleure représentation possible d'un homme politique

 

Ce méchant charismatique qui mise tout sur le paraître, cache son avarice derrière de grands sourires charmeurs et se présente comme un défenseur des libertés est cependant LA plus-value du récit, du moins au début. Le scénario revient malheureusement vite à un schéma dichotomique avec, d'un côté, la gentille jeune fille qui dégouline de bons sentiments et, de l'autre, le méchant maléfique assoiffé de pouvoir, balayant ainsi l'ambiguïté et donc le potentiel de ce personnage détrempé.

De son côté, Asha est une héroïne terriblement lisse et conventionnelle comparée aux profils plus rugueux ou nuancés découverts récemment (Raya et Mirabel entre autres). Difficile donc de s'émouvoir du sort de sa famille quand celle-ci a eu seulement deux minutes d'écran, ou même de soutenir sa rébellion après 15 minutes de film ennuyeuses, dont sa pénible chanson d'exposition. 

 

Wish, Asha et la bonne étoile : photoUne réinterprétation inattendue de la pub Le Gaulois (seul passage un peu marquant)

  

METTRE LA CHARRUE AVANT LES VOEUX 

Non seulement ce retour aux sources est raté, mais il s'avère même cynique par endroits. Pour parfaire (en théorie) l'hommage aux vieux Classiques et renouer avec leur ADN (toujours en théorie), le film a utilisé la technique du cell-shading. Il s'agit de reprendre l'esthétique des aquarelles d'époque pour les appliquer sur les graphismes numériques, avec un résultat plus proche de l'animation traditionnelle et artisanale (à l'instar de Spider-Man : New Generation et de sa suite). Disney ayant abandonné la 2D au profit du tout 3D au milieu des années 2000, il est assez cocasse de le voir s'en rapprocher timidement sous couvert d'éloge

 

Wish - Asha et la Bonne Etoile : photoFeinter l'émerveillement

 

La productrice et scénariste Jennifer Lee (La Reine des Neiges 1 et 2) a en effet expliqué que durant la pré-production, il avait été envisagé de faire le film entièrement en 2D pour réellement retrouver l'essence des oeuvres implicitement citées. La décision n'a cependant pas été prise, car le recours aux images de synthèses aurait, d'après elle, évité d'être trop limité à l'écran. À partir de là, on se demande bien ce qui aurait pu être limité étant donné la paresse de la réalisation et le manque global d'ambition visuelle. 

Qu'il s'agisse de composition de plan, de transitions ou de mouvements de caméra et de profondeur de champ, tout est incroyablement plat et mou pour une production d'un tel calibre, à des années-lumière des scènes gracieuses et hallucinantes de La Reine des Neiges 2 (pour ne citer que lui). 

 

Wish, Asha et la bonne étoile : photoAshassin Creed

 

Avec ses camaïeux pastel, le film paraît encore plus morne et illisible, sans aucun relief au niveau des textures ou des couleurs qui se confondent les unes les autres. Doté de 200 millions de dollars de budget hors marketing, Wish fait partie des longs-métrages les plus chers de Disney, alors qu'il n'est qu'un écrin vide et poussiéreux. Le chant du cygne de la 2D chez Disney restera donc La Princesse et la Grenouille (et dans une moindre mesure Winnie l'Ourson) pour encore un bon moment.

De son côté, le studio aux poches trouées aura peut-être plus de chance avec La Reine des Neiges 3 (et 4) ou Zootopie 2 (et 3 ?), même si la promesse de nous remettre un jour de la poussière de fées dans les yeux paraît de plus en plus difficile à tenir.

  

Wish, Asha et la bonne étoile : affiche 3

Résumé

Wish, Asha et la bonne étoile rejoint directement le fond du panier des productions Disney, ce qui ne serait pas si grave s'il n'avait pas coûté aussi cher et n'était pas censé honorer les 100 ans du studio. 

Autre avis Antoine Desrues
Asha et la mauvaise étoile (et demie) de Disney
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Lecteurs

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commentaires
Celten
26/01/2024 à 21:57

On viens de le voir en famille, film très sympa, pas le meilleur disney mais pas d'ennui, des chansons sympa, de la magie et surtout mes enfants de 4 et 8 ans ont beaucoup aimés.... n'est-ce pas le plus important pour un dessin animé destiné au plus jeune ?

coqflo
04/12/2023 à 18:01

J. Irai voir wish pendant les vacances et je vous dirais si il est bien ou pas

RPO
04/12/2023 à 09:35

"La mort de Disney". Mouais.

Je pense que lorsque le PDG de Disney voit ce genre de titre, il jette un coup d'oeil à leur bénéfice actuel avant de s'esclaffer avec les actionnaires.

Assa
03/12/2023 à 14:56

Amusant.
Après avoir lus votre article j'ai été d'accord avec votre idée sur le roi Disney.
Un mégalo qui bride l'imagination. Mais il ne faut pas oublié qu'il plie et perd face a la jeunesse qui rêve .
Et quelque part Disney reste quand même une belle machine au rêve.
Mon fils de 4 ans a été transporter. Et sa chanson préféré ? " Ce n'est plus mon roi".
Comme quoi cela peut encore inspiré les réflexions sur nos tête dirigeante ( comment ça il n'a que 4ans et n'a aile que la musique...tsss.)

L'esthétique aquarelle est ce qui m'a le plus gêner. Je ne comprend pas trop l'idée ni l'intérêt . Ça rend les personnages trop lisse dans un décors trop pastel.
Part contre le fais que cela soit bourrer archipeter de référence a été un bon kiff. J'ai adoré discuter avec ma dame après visionnage sur tous ce qui a été planqué ou pleinement assumé.
C'est pour moi une belle réalisation. Qui m'a fais rêver.
Qui reprend les codes qu'on aime dans Disney sans trop d'attitude wokiste étrangement placé.

Bref. Pour moi un Disney de Noël comme je les aimes. Et que je revisionerais pour rechercher tous les clin d'oeil.

Flo
30/11/2023 à 13:20

"- Pffou !
-Ça y est, tu as fait ton voeu ?
- Ouich !"

Qu'on soit bien clair, le nouveau film d'animation Disney suit la même logique que les derniers du studio : montrer un microcosme (un royaume isolé notamment) qui est une métaphore d'un monde en paix accueillant tous types de gens... mais entre les lignes, métaphore également de la maison Disney, et de la façon dont on y gère la création artistique... et comment, dans les deux situations, il y a risque de créer une stimulation qui ne bénéficie à personne si ce n'est aux dirigeants.
Film événement cela dit, pour le centenaire du studio (mais pas celui des longs-métrages - on verra dans 14 ans). Mais on y retrouve l'équipe de "La Reine des neiges" (et son esthétique délicate), les habituels animaux parlants, la Magie, les chansons, Alan Tudyk qui double une bestiole délirante, des stars dans la VF qui viennent s'amuser ou faire leur plan média (Isabelle Adjani ?)... Et une héroïne adolescente un peu maladroite, très bavarde, qui passe à l'âge adulte en révélant des secrets... on connaît bien tout ça.
Elle est d'ailleurs bien jolie Asha, avec ses tâches de rousseur qui lui mangent le visage, et ses tresses qu'elle triture finement quand elle n'est pas à l'aise. Et ses sept copains sont sympas... mais ils ne vous font pas penser à quelqu'un ?

Car oui ce film, conscient de son statut temporel, y va à fond dans les références disneyennes, d'une façon plus ou moins subtile, dans presque chaque scène. Certes leurs films ont toujours comporté des clins d'œil, insérés par des animateurs malicieux. Voire même des cameos explicites ("Ralph 2.0", mais c'était justifiés par son contexte vidéo-ludique).
Ici ça donne l'impression que certains des personnages cultes du studio y sont réincarnés, servant un film mélangeant la 2D traditionnelle avec les normes actuelles 3D, donnant un look de "Légende à l'aquarelle"... étonnant, ressemblant un peu à une animation de jeu vidéo, mais on s'y fait très vite.
Pour une histoire originale mais inspirée de contes adaptés jadis par Disney - étrangement, rien pour Aladdin ou le Génie, malgré la thématique des vœux (pas de panique, presque tous ceux qu'on ne voit pas ne seront pas oubliés dans le générique de fin).

Le genre de conte avec des châteaux, de la grosse sorcellerie verte, et bonne nouvelle ! : le studio nous redonne un vrai méchant. Ça faisait quelques films que les vilains (explicites, ou de l'ombre) étaient remplacés par des individus blessés, ayant pris de mauvaises décisions, avec leurs propres raisons plausibles.
Il y a encore un peu de ça chez le roi Magnifico, mais très vite le personnage dévisse et évite de passer pour une victime : c'est bien un c0nnard vociférant, rendu fou par le pouvoir.
Politiquement, un populiste. Et dans la métaphore cinématographique, c'est l'équivalent d'un "maître", un entertainer révéré.
Dans les deux cas, un personnage qui contrôlent les gens en les flattant tout en leur vidant l'esprit de leur rêves, leur promettant beaucoup d'ambition, alors qu'en fait il limite leur capacité de réflexion (en ce moment, on a des films de trois heures qui ont perdu la science du montage, et ne font plus confiance au public). Comme un Walt Disney version extrême, pourquoi pas ? Ou bien un commentaire sociétal (les derniers Disney en font beaucoup) de la scénariste/productrice en chef Jennifer Lee sur le mythe du Sauveur providentiel, sur la masculinité toxique, et la nécessité de voir la jeunesse amorcer la rébellion contre ces abus d'un autre temps.

En même temps, pas trop de Méta, pas trop de modernisme (la petite étoile qui ressemble à un emoji), et surtout pas trop de (auto) critique. Sinon ça aurait été un film subversif et il y aurait eu déséquilibre.
Car ça ce n'est pas dans l'identité du studio, qui suit depuis des décennies le même crédo consistant à apporter de la joie, de la fantaisie, de la bonne humeur... Et de temps en temps des images fortes et impressionnantes, ce qui n'est pas trop le cas ici même si on a quelques beaux instants flirtant avec la Science la plus pointue - les boules de vœux qui prennent la forme d'hélices ADN, le fait que nous soyons faits de poussière d'étoiles, on peut extrapoler tout ce qu'on veut de ça.
Alors il faut faire avec le développement restreint de certains personnages secondaires intéressants, sacrifiés sur l'autel du rythme et de l'action finale. Comme cette reine, dont les discours encourageants sont souvent à double sens. Ou bien ce protagoniste qui trahit et qui semble affligé d'une sévère pathologie.

Au final, sans être un opus grandiloquent, "Wish..." reste honorable et a l'élégance de la modestie.
"Je suis satisfait de cette Asha".

Nico31270
30/11/2023 à 08:50

Le Disney de Noël presque parfait et d'une beauté visuelle audacieuse.
Un hommage aux classiques.
Avec une morale libertaire et positive.
Merci.
Mais visiblement Écran Large vous avez oublié votre âme d'enfant.
S'émerveiller c'est bien et ça fait du bien. Je vous souhaite de retrouver l'étoile en vous...

Eomerkor
29/11/2023 à 16:48

Bon OK le film n’est pas bon et Disney est l'ombre de lui même pour l'ensemble de sa production. N'empêche faire une critique d'un dessin animé pour enfant avec une grille de lecture d'adulescent c'est un peu abscon pour un film clairement destiné à un public de tout petits voir même de braillards. L'affiche a au moins le mérite d'être claire sur le public visé : les enfants et les comités d'entreprises.

Mouais
29/11/2023 à 12:48

Par contre comme souvent perso je me garderai bien des péremptoires et peu approfondis commentaires en mode "c'est la fin de Disney", "ils ont plus d'inspirations", "ah la grande époque et l'originalité du roi lion", ...
Je me rappelle quand même que naïf enfant j'ai longtemps été persuadé d'aller bêtement voir l'adaptation du Roi Léo (en me demandant pourquoi il était devenu jaune en passant sur grand écran...).
Et on sortait alors d'un nième période sombre pour le studio. Et ce que celle ci sera la bonne ? rien n'est moins sur (mais en tous cas l'inspiration n'est malheureusement pas un signe)

PS : bah alors @EL vous finissez par vous censurez .. vous même ? :-D car c'était pas ça le commentaire sous l'image grise du monsieur gris précédemment ;-)

youl
27/11/2023 à 08:51

Incroyable de se trouer comme cela pour son centenaire !

Aucun univers déployé dans le film, zéro créativité, Seulement 2 personnages ont une trajectoire, l'héroine et le méchant dont on connait les tenants et aboutissants d'entrée de jeu.
Une seule scène a retenu mon attention, celle des poules en délire....

La première moitié du fim est un calvaire, ca parle ca parle..... Du coup la seconde moitié passe mieux, mais a la fin, on ressort très décu.

Mystere
26/11/2023 à 18:34

Je l’ai vu à l’instant et je ne comprends pas qui sont ces nouvelles têtes créatives derrière le studio. C’est plat, ça manque de vie pour un Disney autant musicalement que visuellement. Je vois que c’est la même équipe que la reine des neiges.. et j’ai bien l’impression que c’est depuis leur arrivé que tout s’est cassé la gueule artistiquement. Zootopie reste le dernier bon Disney à mes yeux…

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