Voleuses : critique des (pas) drôles de dames de Netflix

Mélanie et ses drôles de dames

Isabelle Adjani avait parlé d'un "Mission Impossible au féminin", mais a-t-elle déjà vu un des films avec Tom Cruise ? À moins qu'elle ne fasse référence à la série des années 60, et dans ce cas c'est encore plus absurde. Voleuses ressemble plutôt à une extension d'un autre film, lui aussi inspiré par une série culte : Charlie et ses drôles de dames, avec Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu.

Au-delà des évidences (un trio d'héroïnes au service de quelqu'un, un mélange d'action et de légèreté), il y a des scènes directement inspirées piquées aux films réalisés par McG. Le bénéfice du doute est possible (la scène sur le circuit de course, comme dans Charlie et ses drôles de dames)... mais jusqu'à une certaine limite (les héroïnes cachées dans des statues, comme dans Charlie's Angels : Les anges se déchaînent).

Est-ce que c'est grave ? Non. Sauf que si, puisque la réalisatrice Mélanie Laurent et ses co-scénaristes Cédric Anger et Christophe Deslandes sont écrasés par la comparaison tant les bonbons écoeurants (mais irrésistibles) de McG ressemblent à du caviar à côté de ces tristes Voleuses. Action, comédie, thriller, émotion : le film se plante gentiment à tous les niveaux. Et dans ses derniers instants, ça ressemble même à une énorme blague au détriment du public.

laurent outrance

Mélanie Laurent est bien meilleure réalisatrice qu'actrice (Les Adoptés, Respire), même si ce n'est pas une science exacte (Le Bal des folles). Dans Voleuses, elle joue mal même quand elle rigole, et c'est d'autant plus drôle qu'elle s'est donnée le personnage le plus important. C'est elle le moteur de l'histoire, et c'est elle qui a le privilège de donner la réplique à Isabelle Adjani. Ça tombe bien : celle-ci a rarement été aussi mal dirigée que dans ce rôle de mafieuse (im)pitoyable, qui montre qu'on peut parfaitement surjouer en chuchotant.

À côté d'elles, il y a Adèle Exarchopoulos, décidément à l'aise partout à partir du moment où elle a quelque chose à faire. Ici, elle parle autant qu'elle tire, et fait régulièrement mouche avec des répliques jouées sur la bonne tonalité ("On va en Italie ce soir, on va venger un lapin que j'aimais beaucoup"). Dernière roue du carrosse, Manon Bresh a peu de place pour exister derrière les héroïnes et devant les seconds rôles (Félix Moati, Philippe Katerine).

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Le problème, c'est qu'il faut faire coexister tout ça, et Voleuses n'y arrive jamais. Il faut un sacré sens du timing et du montage pour manier l'humour le plus grotesque et le drame le plus sérieux, et c'est ce qui manque cruellement à cet objet bizarroïde et mal assemblé.

Entre le climax 100% premier degré (larmes abondantes, répliques sirupeuses et mise en scène lourdingue) et l'épilogue 100% foutage de gueule ("Je vais tout te dire, je vais tout t'expliquer"... FIN), il y a même de quoi se demander si tout ceci n'est pas une blague et que le public est le dindon de la pauvre farce.

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mélanie fait ni à faire

Mais puisque Mélanie Laurent a parlé d'un budget très confortable, il y avait de quoi espérer un film d'action soigné et bien troussé. Avec un peu de chance, elle avait même retenu quelques leçons de pyrotechnie chez Michael Bay, puisqu'elle était actrice dans 6 Underground sorti en 2019, déjà sur Netflix. Mais là encore, c'est le calme plat.

Il y a les problèmes classiques de découpage (le nombre de cut pour la scène de poursuite en quad, quand les deux personnages changent de place), le manque d'imagination (une scène de wingsuit, comme Agent Stone sur Netflix il y a trois mois), mais surtout pas grand-chose à se mettre sous la dent. Quand l'action n'a pas lieu hors-champ ou dans une ellipse, elle est filmée sans panache, même quand il y a d'amusantes idées de décor (la maison-miroir dans les bois... malheureusement sous-exploitée).

Drones de dames

Le fameux casse n'est qu'un prétexte à trois coups de pied en arrière-plan et une immense private joke avec les intermittents du spectacle (les feuilles de service et autres mots d'initiés) et Mélanie Laurent elle-même (un tournage de clip de Mylène Farmer : elle l'a fait en février 2023). Et tout ça est finalement anecdotique comparé aux gags interminables (la scène de danse-exécution en Italie, misère), aux face-à-face ringards avec Isabelle Adjani, ou aux innombrables moments dignes d'une pub Ricoré (les héroïnes boivent un verre en rigolant, ou rigolent en dansant).

Seul aspect intéressant de cette triste farce : la réalisatrice Mélanie Laurent trace une route peu commune en enchaînant les films et alternant les genres avec un plaisir évident. Ne reste plus qu'à espérer que Les Adoptés et Respire n'étaient pas d'heureux accidents.

Voleuses est disponible sur Netflix depuis le 1er novembre 2023 en France