Expendables 4 : critique du pire film avec Stallone

ARNAQUES, CRIMES ET BEAU HIGH KICK

Depuis le tout premier volet d'Expendables : Unité spéciale, Jason Statham (alias Lee Christmas) s'est imposé comme l'héritier naturel de la franchise initiée par Sylvester Stallone. Mais ce n'est pas comme si les candidats se bousculaient : dans les trois films, Christmas est le seul personnage secondaire à avoir plus de deux traits de caractère et plus d'une page de répliques, en plus d'être incarné par un acteur populaire qui a depuis longtemps fait ses preuves dans le cinéma d'action (si si).

C'est donc avec un certain enthousiasme que les fans ont pu prendre la nouvelle de sa relève, Barney Ross étant aussi fatigué que son interprète. Et effectivement, le fait de braquer les caméras sur Lee Christmas permet d'apprécier un peu plus le jeu physique et le charisme de Jason Statham, qui grogne, lance des couteaux sur les gens et détruit leurs organes vitaux pour le plus grand plaisir de tous ceux qu'il a déjà dans la poche.

Voilà, le tour des qualités du film a été fait. On peut donc commencer à taper là où ça fait mal, c'est-à-dire partout. Globalement, ce volet souffre des mêmes défauts que les précédents, que ce soit l'écriture indigente des personnages et des dialogues, le montage qui ruine consciencieusement les chorégraphies de bastons et la construction chaotique de l'histoire. Mais si le premier film pouvait compter sur son concept rétro, le deuxième sur sa générosité et le troisième sur son casting toujours attirant, rien ne permet de faire d'Expendables 4 un autre petit plaisir coupable, et certainement pas l'action.

Scott Waugh a beau être un ancien coordinateur cascades et avoir dernièrement réalisé Projet Extraction, qui n'était pas finaud, mais tenait sa promesse de divertissement, Expendables 4 n'assure jamais le spectacle, soit ce qu'on vient chercher en premier lieu dans ce genre de production. Les effets spéciaux sortent d'un mauvais Asylum (mais à 100 millions de dollars), tandis que les quelques combats et fusillades ont l'intensité et la saveur d'une camomille tiède.

Cellule de crise

Même l'arrivée prometteuse de Tony Jaa et Iko Uwais au casting ne rehausse pas les enjeux étant donné le peu de coups qu'ils échangent. Comme dans beaucoup des productions hollywoodiennes où ils sont apparus, seuls 10% des capacités des deux artistes martiaux sont exploités, à l'image d'un superordinateur qui ne servirait qu'à faire du traitement de texte.  

50 Cent, et c'est pas le montant de son cachet

DE GROS BRAS à GROS Bras cassés

Comme les précédents volets, ce quatrième film radote, mais avec un propos plus aigri que naïf. Si tout le but d'Expendables était de ressusciter le cinéma d'action des années 80 et 90 en réinvoquant ses codes et ses anciennes vedettes, la confrontation entre les vieux de la vielle et la "nouvelle génération" était inévitable. Expendables 3 se terminait cependant sur le sauvetage des petits nouveaux, dans l'idée mielleuse que ces deux facettes de l'industrie peuvent coexister et s'entraider. 

Dans Expendables 4, les nouvelles recrues, toutes plus médiocres ou inutiles les unes que les autres, ne sont là que pour flatter les anciens membres et leur donner un semblant d'utilité en comparaison. De fait, 50 Cent, qui a tourné avec Stallone dans les deux derniers Evasion, joue les gros bras qui ne soulève pas grand-chose et Jacob Scipio une version encore plus insupportable et gênante d'Antonio Banderas dans le troisième opus. Mais le plus fâcheux concerne les personnages féminins. 

Elle est loin Ronda Rousey...

Expendables a toujours été une saga peu regardante sur l'écriture ou le traitement des personnages féminins, la disparition de Charisma Carpenter pour preuve. Avec l'arrivée de deux nouvelles Expendables d'un coup, la saga semblait donc vouloir rétablir la balance. Surtout que le choix de caster Megan Fox avait une certaine valeur, l'actrice ayant été en quelque sorte chosifiée puis "sacrifiée" par Hollywood après Les Tortues Ninja 2. 

Malheureusement, l'actrice n'est pas là pour une quelconque rédemption ou revanche sur l'industrie, mais pour porter des tenues sexy (du style body rouge en dentelles) et marcher au ralenti. Elle est d'abord dépeinte comme une hystérique, puis une opportuniste et enfin une incapable. C'est pourtant elle la nouvelle cheffe des Expendables, mais elle a autant de répliques que Randy Couture, c'est-à-dire pas beaucoup. De son côté, Levy Tran aurait pu être un ajout intéressant, si elle avait eu plus de trois interactions avec les autres personnages, dont deux pour être bêtement sexualisée.

Le constat est donc aussi clair que triste : la franchise est incapable de développer ses personnages féminins – ne serait-ce qu'à un stade embryonnaire – et de les mettre sur un pied d'égalité avec les personnages masculins. Ce n'est pas pour rien qu'un spin-off féminin, qui obligerait les scénaristes à s'intéresser à elles, est envisagé depuis autant d'années. 

Ne cherchez pas son nom ou son visage sur l'affiche, ils n'y sont pas

LE CAS SYLVESTER STALLONE 

Là, c'est le moment où on vous invite à aller directement sur le résumé de cette critique si vous voulez éviter le plus gros spoil. 

Le but annoncé du film était d'opérer un passage de flambeau entre Stallone et Statham pour éventuellement continuer la franchise sans son créateur vieillissant. Pour cela, le scénario a rapidement fait le choix d'évincer Barney Ross en le tuant. Cette mort, si elle est totalement ratée d'un point de vue émotionnel ou de mise en scène, est cependant loin d'être anodine et marque a priori un tournant dans la carrière de Stallone qui refusait jusqu'ici de tuer ses héros. Même avec 65 balles et 36 coups de couteau dans le corps, Rambo n'est pas mort et même après ses lésions au cerveau et son cancer, Rocky est resté vivant. 

Forcément, celle de Barney Ross interroge, encore plus quand la caméra s'arrête sur son corps calciné après une mort fort peu héroïque. On serait donc tenté d'interpréter ça comme une provocation de Stallone après de nombreuses divergences créatives et plusieurs changements de direction, ou bien une preuve de sagesse et d'humilité de la part de l'acteur. En tout cas, cet unique parti-pris semblait largement dépasser le simple cadre du film et de son histoire. 

Du foutage de gueule, il n'y a pas d'autres termes

Mais parce qu'on n'est plus à une déception près, ces questionnements plus intéressants que le film en lui-même ne sont finalement qu'une perte de temps doublée d'une violente désillusion. À la fin du climax, le public comprend que Barney est bel et bien vivant, le film ayant trouvé le moyen le plus infect possible pour que Stallone n'ait rien à faire côté action, à part appuyer sur une gâchette et rester sagement assis devant un fond vert.

Finalement, aussi imparfait qu'il soit, le premier volet d'Expendables transpirait l'amour du cinéma d'action bourrin, démesuré, et donc généreux par essence, soit tout ce que ce quatrième – et on espère ultime opus – s'applique à ne pas être.